Dans une interview donnée à l’Aide à l’Église en Détresse, le 17 septembre 2014, Don
Carlo Lorenzo Rossetti, prêtre en Albanie, pointe du doigt les combats que mène l’Eglise catholique du pays et souligne sa formidable croissance.

Comment se porte l’Albanie ?

Elle ressemble à une « adolescente » qui sort d’une enfance difficile et douloureuse. Il lui faut surmonter un passé meurtri par la dictature, l’athéisme et l’isolement. La démocratie peine à s’imposer après des siècles de domination turque islamique osmanienne, de monarchie rigide, de fascisme italien, de nazisme allemand et d’un des régimes communistes les plus inhumains au monde, sous le dictateur stalinien Enver Hoxha. Alors l’Albanie est parfois tentée par la fuite, l’émigration. Certes, le pays se développe mais c’est parce qu’il part de zéro.

Comment décririez-vous la situation de l’Église catholique dans votre pays ?

Eh bien l’Église grandit à nouveau ! Pourtant dès 1945, le parti communiste a persécuté toutes les confessions religieuses. En 1967, la religion a été officiellement abolie. Les Églises ont été détruites ou transformées en salles de sport, voire en magasins. Entre 1991 et 1994, certains prêtres âgés ayant survécu à la torture ont visité de nombreux villages, proposant le baptême… mais sans aucun catéchisme. Toute une génération est passée à côté de la religion. 
Nos églises sont fréquentées par des personnes âgées, des enfants et des adolescents, mais personne d’âge moyen. Dans la rue, vous pourrez toujours trouver des adultes qui prétendent être catholiques mais beaucoup ont embrassé la foi pour des raisons sociales. Dans l’ensemble, la vie spirituelle et ecclésiale en est encore au stade du bourgeonnement. L’Église est en grande partie « cléricale », avec une faible participation, voire pas de participation des laïcs car ils n’ont pas été formés. Mais heureusement, au cours des 20 dernières années, le travail pastoral a été formidable. Grâce à l’intervention personnelle de Saint Jean-Paul II, beaucoup de congrégations et de nouveaux mouvements sont arrivés en Albanie et le nombre de vocations sacerdotales augmente.

Quels sont les espoirs et les attentes du peuple albanais envers l’Église catholique ?

L’activité catholique est particulièrement forte dans les domaines de la santé et de l’éducation : écoles, hôpitaux… mais le peuple ne considère plus uniquement l’Église comme un grand organisme de bienfaisance. Elle est devenue, à leurs yeux, la protectrice de la dignité humaine et des droits de l’Homme.

En Albanie, comment se positionne l’Église catholique face aux autres religions ?

La majorité des Albanais (environ 65-70 %) sont traditionnellement musulmans. Une minorité catholique vit dans le nord et une minorité orthodoxe, dans le sud. En règle générale, les religions vivent très bien ensemble. Véritable amitié ou simple bon sens ? Je ne sais pas. Ce qui est sûr, c’est que l’Albanie n’est pas fanatique. Je suis personnellement très impliqué dans le dialogue catholique-orthodoxe et peux témoigner de la chaleureuse amitié entre les deux confessions dans le pays. Nous avons des réunions régulières avec les professeurs et les étudiants de l’Académie orthodoxe de Durres. Nous avons également commencé des rencontres entre chrétiens évangéliques et musulmans.

Quels sont, à votre avis, les principaux défis pour le pays ?

L’éducation, la corruption, le laïcisme et l’intégrisme islamique. Il faut proposer un modèle positif de la famille car les jeunes se perdent, englués dans les tentations contemporaines de l’hédonisme, du matérialisme et de l’individualisme. Un vrai renouveau de l’éducation est nécessaire.

Et les défis de l’église catholique en Albanie?

Comme le souligne le Pape François, l’Église doit concentrer ses efforts sur l’Évangile, la dignité de l’homme, donnée par Dieu et l’annonce magnifique de la victoire sur la mort. Nous pourrons améliorer la vie chrétienne en Albanie en redécouvrant de l’objectif principal de l’Église : évangéliser, transmettre la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, l’Homme Nouveau qui révèle la véritable identité de tous les êtres humains. Nous sommes fils et filles de Dieu, appelés à vivre dans l’amour inconditionnel et destinés à la vie et la joie éternelles.

Quels sont les principaux besoins de l’Église ?

Tout ce qui contribue à l’évangélisation et à l’éducation chrétienne, au développement d’une formation solide, fondée sur la doctrine biblique.


Don Carlo Lorenzo Rossetti, prêtre Fidei donum du diocèse de Rome, réside en Albanie depuis 2003. Curé de Balldre-Gocaj-Kakarriq (Lezhe), il dirige le séminaire missionnaire « Redemptoris Mater » à Shkodër.

 

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