En un an, le nombre de chrétiens assassinés dans le monde a doublé. Une situation qui suscite beaucoup de compassion mais peu d’action, déplore Marc Fromager, directeur de l’AED, interviewé par Le Point lors de la 8e édition de la Nuit des Témoins.

Le Point : Cette nuit des témoins est un rendez-vous annuel de mémoire mais aussi une manière d’alerter l’opinion sur le sort des chretiens. Pourquoi ?

Marc Fromager : Chaque année, nous voulons rendre hommage aux prêtres, religieux et laïcs assassinés dans le cadre de leur mission. En 2015, selon plusieurs sources, 7 000 chrétiens ont été assassinés dans l’année, soit une vingtaine par jour. C’est un chiffre qui a doublé en un an. Nous pouvons délimiter trois grandes zones « crisogènes » : le Moyen-Orient, la bande sahelo-saharienne avec pour épicentre le Nigeria et le sous-continent indien, en particulier le Pakistan. Avec la radicalisation de l’islam au Moyen-Orient, mais pas seulement, il y a une volonté manifeste de se débarrasser des chrétiens. En 2003, au moment de l’invasion américaine, ils étaient 1,5 million à vivre en Irak. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 150 000 à 200 000. En douze ans, 90 % de la communauté a fondu. En Syrie, le scénario est le même : en cinq ans de guerre, plus de la moitié des chrétiens a disparu. Il y a un risque réel aujourd’hui que les chrétiens soient évincés du Moyen-Orient.

Et comment percevez-vous la réaction de la communauté internationale à cette situation ?

Pour parler clair : il n’y en a pas. La communauté internationale se moque de la disparition des chrétiens, ce n’est pas sa priorité. Les hommes politiques, en France particulièrement, ont manifesté une certaine compassion, mais celle-ci reste de l’ordre de la communication, voire de la prise de position démagogique. Sur le dossier syrien, la France a une responsabilité évidente puisque dès le départ nous avons chargé Bachar el-Assad en prenant le parti de la rébellion. Ce faisant, nous avons activement participé à la destruction de ce pays. Dans la réalité, non seulement nous n’avons rien fait pour les chrétiens d’Orient mais nous avons contribué aux conditions de leur disparition. Les armes que nous avons livrées aux rebelles soi-disant modérés se sont retrouvées entre les mains de groupes extrémistes, et notamment l’État islamique qui se sert donc d’armes françaises. Toutes les informations qui sont diffusées sur la Syrie en France proviennent d’une source unique, l’OSDH (l’Office syrien pour les droits de l’homme), une ONG basée à Londres et soutenue par le Qatar.

Vous sentez-vous soutenu au sein de l’Église ?

Le Vatican, en tant qu’État, accomplit un travail diplomatique qui ne se voit pas forcément mais qui porte ses fruits. Ici, c’est plus compliqué. À quelques exceptions près, l’Église en France est dans le mutisme. Mgr Jeanbart, l’archevêque d’Alep, l’a déploré publiquement dès le début de « La nuit des témoins » : selon lui, les conférences épiscopales européennes n’ont pas suffisamment écouté les témoignages de leurs pairs orientaux. On peut, en effet, reprocher une certaine soumission de ces autorités au politiquement correct alors qu’il faudrait être politiquement juste, selon la formule de Mgr Jeanbart. Or, ce qui se passe là-bas a un impact de plus en plus important chez nous. Et le front se rapproche. Tout le monde a joué avec le feu. On a indirectement facilité l’apparition et le développement de l’État islamique. Il serait temps de se réveiller.

(propos recueilli par Jérôme Cordelier, source: Lepoint.fr)

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