Cet été, l’AED vous propose de découvrir les vies héroïques de témoins de l’Espérance, que ce soit en Algérie, en Roumanie, ou ailleurs, à travers une série de portraits. Aujourd’hui, voici celui du père Anton Luli, emprisonné au goulag pendant 42 ans.

Né en 1910, Anton Luli entre chez les Jésuites à 19 ans. Quand le Parti communiste prend le pouvoir, en 1945, son ordre est interdit et il devient curé de Shkreli. En 1947 il est arrêté pour « agitation et propagande anti-gouvernementale », et jeté en prison : « Le soldat ouvrit la porte d’une petite pièce et me jeta contre le mur, puis claqua la porte sur moi. Il faisait sombre. Une fenêtre dans la porte jetait une lumière glauque. À ma grande surprise, je me retrouvai dans une salle de bain remplie d’excréments durcis. Mais jamais je n’avais senti au cours de ma vie la présence réelle et véritable du Seigneur comme en cet instant. » Il restera neuf mois dans cette fange dont il est parfois extrait pour être torturé ou servir de ballon humain à des gardiens sadiques. La nuit de Noël qui suit, c’est pire : Il est pendu nu par -20° sur une poutre, et sent la mort par le froid monter en lui. Il s’évanouit et on le détache pour le rouer de coups.

Condamné à sept ans de travaux forcés, il part dans le camp de Beden, où les détenus, qui creusent des canaux avec des moyens rudimentaires, sont vite infectés par les sangsues.  Le père Luli trouve pourtant la force d’espérer et de se réjouir dans cet enfer : une cigogne qui survole les forçats : « Nous ressentions un grand réconfort à la pensée qu’au moins les oiseaux du ciel fraternisaient avec nous. » Il est ensuite envoyé dans d’autres camps du goulag albanais.

Libéré en 1954, il devient curé de Shënkoll, mais doit rendre compte à la police de tous ses actes. Le 6 décembre 1966, un groupe de jeunes fanatiques attaque son église, le chasse et la transforme en Maison de la culture : c’est le premier signe de la Révolution culturelle. Le père Luli devient ouvrier agricole dans un kolkhoze contrôlé par la Police politique. Il célèbre clandestinement messes et baptêmes. En 1979, il est à nouveau arrêté et condamné à mort pour ces crimes. Vu son âge, sa peine est commuée en 25 ans de travaux forcés et la ronde des camps continue. Dans celui de Ballsh, l’instructeur chargé de la rééducation idéologique lui demande : « Que penses-tu ? Es-tu avec le parti communiste ou non ? Crois-tu en Dieu ou en Enver Hoxha ? » Anton Luli répond devant tous les prisonniers : « Depuis ma plus tendre enfance, j’ai appris à croire, à aimer et à espérer en Dieu ; je ne me suis jamais écarté de ces principes, et je ne m’en écarterai pas jusqu’à ma mort. » Des codétenus musulmans viennent lui serrer la main : « Merci pour ton témoignage ! Il nous réjouit parce que nous aussi, nous croyons en un seul Dieu. Ta parole nous a donné réconfort et courage. »

Le 15 avril 1989, les derniers prêtres survivants des camps sont renvoyés dans leurs familles. Le vieux jésuite célèbre et baptise en secret jusqu’à la fin de la persécution. Il reprend un ministère public à 82 ans quand advient enfin, en 1992, la liberté religieuse. Le secret de sa résistance à 42 ans de privation de liberté et d’épreuves : sa foi et son espérance en Dieu.

 

Didier Rance, A travers la grande épreuve, Artège, 2016 et Albanie. Ils ont voulu tuer Dieu, Edition AED, 1996

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