Mgr Bejoy N. D’Cruze, évêque de Sylhet, au nord du Bangladesh, remplit sa mission dans un pays musulman, entre une population très pauvre, cueilleurs de thé et des groupes tribaux. Il témoigne pour l’AED.

AED -Comment se présentent aujourd’hui les conditions de vie dans le diocèse de Sylhet ?

Mgr Bejoy -Le diocèse de Sylhet est relativement jeune, il n’a été fondé qu’en 2011, et je suis son premier évêque. Lorsque l’AED nous a rendu visite, je n’avais même pas encore ma propre maison. Je louais un logement dans une maison appartenant à des musulmans et où je ne pouvais pas célébrer l’Eucharistie. Il m’était également défendu de tenir des réunions religieuses. Il m’a seulement été permis de respecter mes heures de prière. J’ai cependant célébré la Sainte messe en secret, parfois avec mes prêtres. En acceptant ma nouvelle mission en tant qu’évêque de Sylhet, je suis devenu un homme sans pays, sans maison et sans voiture. Je n’ai ni cathédrale ni centre pastoral.

De quoi l’Église de Sylhet a-t-elle le plus besoin ?

Dans la ville où j’habite, hormis les moyens pour assumer notre service aux pauvres, nous avons particulièrement besoin d’une église afin que les gens voient qu’il y a ici une présence chrétienne. 300 000 musulmans et environ 1 500 chrétiens vivent dans cette ville. Grâce au soutien de l’AED et à celui d’autres personnes, nous allons bientôt pouvoir consacrer la première église. Elle servira à tenir des réunions, elle sera lieu de rencontre pour les adultes et les enfants et nous y organiserons la catéchèse. Ce sera une église autant qu’un espace polyvalent. Il y a six communautés protestantes à Sylhet. Depuis que je suis ici, nous entretenons d’excellentes relations avec elles, et elles m’acceptent comme si j’étais aussi leur évêque. Nous avons beaucoup de rencontres œcuméniques. Cette église disposera aussi d’une salle polyvalente parce que les communautés protestantes n’ont aucun endroit où elles peuvent se réunir.

Comment la majorité musulmane de la population voit-elle la construction d’une église ?

Lorsque que les musulmans sont en majorité, ils ne veulent pas avoir parmi eux de membres d’autres religions. Au Bangladesh, nous assistons à une lutte incessante contre les minorités : contre les hindous, les bouddhistes et les chrétiens. L’Église constitue un espoir pour les minorités, parce qu’elle s’engage toujours en faveur de leurs droits. Nous sommes aussi témoins de discriminations, au niveau de l’emploi et dans l’infrastructure. Dans certaines villes, nous chrétiens n’obtenons que difficilement un permis de construire. Malgré tout, le Bangladesh est un pays musulman où l’on est respecté la plupart du temps. Il y a moins de radicalisme ici, et bien que nous soyons une petite communauté, nous avons beaucoup d’influence dans le domaine de l’éducation et de la santé. Jusqu’à présent, cette nouvelle église n’a pas été une grande source d’irritation dans la population, bien que des personnes particulièrement radicales n’aient pas manqué d’exprimer leur désapprobation.

Au cours des dernières années, des islamistes radicaux ont attaqué des minorités au Bangladesh. Certains de ces attentats ont été revendiqués par Daech. Ce radicalisme s’accroît-t-il au Bangladesh ?

Le fondamentalisme islamiste a un peu augmenté, il est certes encore limité, mais puissant. Le 20 novembre 2015, un missionnaire de l’Institut pontifical pour les missions étrangères PIME, qui était également médecin, a été poignardé par quelques fondamentalistes. Il a été grièvement blessé et est actuellement encore en convalescence dans un hôpital en Italie. Il y a également eu le meurtre de deux ou trois chrétiens et l’attaque d’une église. Mais je ne pense pas être personnellement très menacé. Le 23 décembre 2015, donc peu avant Noël, j’ai reçu un message « cordial » de ces fondamentalistes : « Évêque, prépare-toi, car nous allons te tuer ». Mais rien ne m’est arrivé. Ça a dû être une erreur », (dit-il en continuant à sourire).

Quelle a été l’influence de la visite du pape François début décembre 2017 sur la société et l’Église du Bangladesh ?

Depuis que le pape a visité ce pays, de plus en plus de gens viennent à nos réunions dans mon diocèse et en général. Nous entretenons de bonnes relations interreligieuses et nous espérons que tout s’améliorera encore plus. Je m’en réjouis beaucoup, ainsi que de l’aide dont nous continuons à bénéficier. Je remercie l’AED qui fournit cet excellent travail pour nous. Nous en sommes très reconnaissants.

L’AED travaille avec l’Église locale à Sylhet depuis la fondation de ce diocèse. Actuellement, l’AED soutient différents projets de formation spirituelle et de développement humain, en liaison avec les commissions pour la pastorale, l’éducation ainsi que la justice et la paix. En 2016, l’AED a soutenu au Bangladesh des projets à hauteur de 560 000 €.

 

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