Pétrole, gaz et islam : dans un tel environnement, la simple présence de la minorité chrétienne est un défi !

Petite enclave sur le nord de la côte malaise de Bornéo, le Sultanat de Brunei tire sa richesse du pétrole et du gaz abondants, dont il dispose, et qui assurent près de 60 % du PIB, plus de 90 % des exportations et plus de 95 % des recettes budgétaires. La compagnie anglo-hollandaise Shell y est chez elle, assurant toute la production de pétrole et 75 à 80 % de celle du gaz. Pour protéger ce coffre-fort, deux mille soldats britanniques restent stationnés sur place, assurant la sécurité personnelle du sultan ainsi que celle des champs pétrolifères.

Grand comme le département de l’Ain et peuplé de 420.000 habitants, le Sultanat est une monarchie absolue, le sultan, Haji Hassanal Bolkiah étant à la fois chef de l’État, premier ministre, ministre des Finances et ministre de la Défense. Majoritairement musulman, le pays comporte également des bouddhistes et des chrétiens. Deux Églises sont reconnues, anglicane et catholique, même s’il existe aussi d’autres groupes, essentiellement évangéliques.

Malais, musulman et monarchique

La Constitution de 1959 déclare l’islam religion d’État. La liberté de religion est reconnue, mais les lois imposent des restrictions à la pratique des religions autres que l’islam. Il n’est pas permis de faire du prosélytisme pour les autres religions et il est interdit d’importer du matériel religieux quel qu’il soit. Les articles et images d’autres croyances sont censurés dans la presse. Les groupes religieux doivent s’enregistrer en indiquant les noms de tous leurs membres. La participation à des groupes non enregistrés est même punie de prison. Toute réunion publique de cinq personnes ou plus, qu’elle soit religieuse ou d’un autre type, doit être autorisée. Il est interdit d’utiliser des maisons privées pour faire des rencontres religieuses.

Les écoles chrétiennes sont admises, mais l’enseignement du christianisme n’est pas admis et les cours de religion islamique sont obligatoires pour tous les élèves. En général, le gouvernement empêche l’entrée de religieux non musulmans et ne permet pas la construction ni les réparations d’édifices religieux.

Le pays n’est indépendant que depuis 1984. À l’époque, pour se forger une identité, il y a eu le concept des « 3M » : malais, musulman et monarchique. Cette identité n’a cessé d’être renforcée. Officiellement, il n’y a pas de discrimination mais dans les faits, il y a une pression permanente. Petit à petit, l’islamisation de la société se poursuit, en signifiant clairement aux non musulmans qu’ils sont des citoyens de seconde classe et qu’ils n’y ont plus leur place.

Début novembre 2012, l’obligation générale de fermeture de toute activité professionnelle a été imposée le vendredi de midi à 14h. Autrefois réservée aux musulmans, cette mesure s’applique dorénavant à tous. En avril 2014, le Sultanat devait devenir le premier État de l’Est asiatique à introduire la charia. Des actes comme les relations sexuelles hors mariage, l’adultère, la profanation du Coran ou la renonciation publique à l’islam devaient progressivement être punis de mort. Initialement prévues pour les musulmans – mais les minorités religieuses s’inquiétaient de leur généralisation – les amendes devaient rapidement faire place à l’amputation puis dans une troisième et dernière phase à la lapidation.

De Shell à l’Église

L’Église catholique compte 20 000 fidèles, dont un tiers d’autochtones et deux tiers d’expatriés (essentiellement des Indiens et des Philippins). Cela représente 5 % de la population. Mgr Cornelius Sim est le premier évêque de Brunei. D’origine chinoise, arrière-petit fils d’un chinois venu s’installer dans le Sultanat, Mgr Sim a d’abord travaillé quinze ans pour Shell. Ordonné prêtre à 40 ans, son parcours ressemble en cela à celui du nouveau Primat de l‘Église anglicane qui a également travaillé pour l’industrie pétrolière avant de découvrir sa vocation sacerdotale.

Au moment de son ordination en 1989, le Sultanat est rattaché à un diocèse malaisien. Pendant trois ans, il a été le seul prêtre du pays, les prêtres étrangers n’ayant pas eu leur visa renouvelé. En 1998, Cornelius Sim devient Préfet apostolique, avant d’être ordonné évêque en 2005 comme Vicaire apostolique. Il est maintenant assisté de trois prêtres qui desservent les trois églises paroissiales du pays.

À la question de savoir s’il est possible pour l’Église de vivre dans un tel environnement, Mgr Sim sourit et répond : « Cela nous oblige à être créatif ! »

Marc Fromager, directeur de l’AED

(article paru dans l’Eglise dans le monde n°184, été 2017)

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