Cet été, l’AED vous propose de découvrir les vies héroïques de témoins de l’Espérance, que ce soit en Algérie, en Roumanie, ou ailleurs, à travers une série de portraits. Aujourd’hui, voici celui de Mère Blajena, contemplative pendant 35 ans, malgré les menaces.

Quand six religieuses débarquent à la gare de Sofia en mai 1935 pour ouvrir un Carmel de rite byzantin, la future Mère Blajena, de famille orthodoxe peu pratiquante, est élève des sœurs de Saint-Joseph. Leur exemple la frappe. Elle devient catholique et frappe à la porte du tout jeune carmel. Son père exige qu’on lui rende sa fille et menace les religieuses de faire sauter le couvent, mais la jeune femme s’accroche à sa vocation et peu à peu, sa famille accepte son choix.

En 1944, le régime communiste expulse les fondatrices françaises du couvent et veut chasser les autres mais les sœurs résistent « pour souffrir avec le peuple tant que notre peuple souffrira ». Lors de la vague de procès contre le clergé catholique, en 1952, la police fait irruption dans le carmel, les religieuses sont rassemblées et fouillées sans ménagement puis sont jetées en prison. Un colis de nourriture que leur envoie l’ambassadeur de France sert de prétexte pour condamner la prieure italienne à une lourde peine pour « espionnage et complicité avec une puissance impérialiste », puis l’expulser. Soeur Blajena et une autre carmélite bulgare sont envoyées pour les mêmes motifs dans un camp de concentration en vue d’être « rééduquées ». Mère Blajena se souvient encore des confrontations avec les témoins soudoyés pour dénoncer ses « activités d’espionne » : « Je leur disais : ‘Dites, dites ce que vous m’avez entendu dire ou faire !’ Mais ils restaient si­lencieux. Je protestais. Ils n’avaient rien pour me condamner. Mais cela ne les a pas empêchés de m’envoyer dans les camps ! ». Les deux carmélites sont envoyées sur l’île de Béléné, le camp le plus sinistre du goulag bulgare. Dans le froid et la brume, les détenues doivent abattre les arbres déracinés par la crue, travaillant dans l’eau glacée, puis construire une digue pour mieux protéger l’île du fleuve.

La mort de Staline les sauve : les camps sont fermés.  Avant d’être renvoyées dans leurs familles, les deux carmélites sont averties : « Ne vous faites pas d’illusion, votre cou­vent est fermé, dissous. Ne cherchez pas à vous regrouper ».  Elles s’empressent de faire le contraire et se précipitent au carmel. Des familles occupent leur couvent et l’église qui le jouxte sert d’entrepôt. Qu’à cela ne tienne : toutes les sœurs (Mère Blajena a retrouvé celles qui ont échappé aux camps et qui l’élisent comme prieure) veulent reprendre la vie communautaire. Bravant l’interdiction, elles s’installent dans la tribune de l’église, progressivement et très discrètement. Elles vont y vivre leur vocation contemplative 35 années, malgré les menaces et les actions pour les déloger. Elles réussissent même à accueillir des novices.

Ce n’est qu’après les événements de novembre 1989 et la fin de la persécution qu’elles retrouvent une (petite) partie de leur couvent, si dégradé qu’il faudra en construire un nouveau près de Sofia. Quelle leçon tire Mère Blajena de leur étonnante odyssée à la tribune d’orgue d’une église : « C’est pour le Bon Dieu, pour lui seul, que nous avons souf­fert ».

 

Didier Rance, auteur de Catholiques de Bulgarie, Edition AED, 2002

 

 

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