Depuis 2016, les troubles se sont aggravées au Cameroun, lorsque la communauté anglophone a commencé à exiger un retour au système fédéral. Des affrontements violents ont éclaté entre les autorités centrales et les partisans de la République autoproclamée d’Ambazonie (ou République fédérale du Sud Cameroun). L’armée n’a pas hésité à faire usage de la force : plus de 500 personnes sont mortes, 200 000 ont dû fuir.

Mgr Michael Bibi, évêque auxiliaire de Bamenda, en zone anglophone du nord-ouest du Cameroun, très touchée par ce conflit, a accepté de répondre aux questions de l’AED (partie 2/2).

Le 4 octobre dernier, Gérard Anjiangwe, un séminariste de votre archidiocèse de Bamenda, a été assassiné. Que s’est-il passé ?

A la fin de la messe du matin, les fidèles étaient en train de sortir, mais Gérard Anjiangwe et quelques lecteurs sont restés dans l’église pour préparer la liturgie du lendemain. Un camion militaire venant de Ndop s’est arrêté à l’entrée de la route menant à l’église. Des soldats en sont descendus et ont commencé à tirer. Certains des servants d’autel, en train de rentrer chez eux, sont revenus à l’église tandis que d’autres se cachaient dans les arbustes à proximité. Les lecteurs qui étaient avec Gérard près de la sacristie, voyant arriver les soldats, ont couru vers la sacristie et s’y sont enfermés, tandis que Gérard, qui était encore dehors, s’est prosterné au sol en priant le chapelet. Les soldats ont essayé d’ouvrir la porte de l’église mais n’ont pas réussi. Ils se sont approchés de Gérard et lui ont demandé de se lever, ce qu’il a fait sans hésiter. Après l’avoir interrogé, ils lui ont demandé de s’allonger à nouveau. Puis il a reçu trois coups de feu dans le cou. Il est mort instantanément. Gérard était le fils unique de sa famille, son père était catéchiste. C’est très dur pour sa famille.

Dans quel but pensez-vous qu’il ait été assassiné ?

Il est difficile de savoir exactement pourquoi Gérard a été assassiné, mais une hypothèse est qu’il a été confondu avec l’un des Amba-Boys. Pour moi, c’est la seule raison logique de son meurtre. Les soldats essaient de tuer systématiquement tous les jeunes hommes de la région, parce qu’ils sont identifiés aux Amba-Boys qui encouragent la crise.

En juillet, deux prêtres ont été tués au Cameroun, des bâtiments ecclésiaux ont été endommagés. Tout ceci constitue-t-il des dommages collatéraux ? Quel rôle l’Église joue-t-elle dans le conflit ?

Je dois faire une clarification : un seul prêtre a été tué, le père Alexander Sob, de Buéa. La personne assassinée à Batibo n’était pas un prêtre, mais un pasteur du Ghana. Dans sa lutte contre les Amba-Boys, l’armée a causé des incendies et des destructions. L’’Église a également été affectée, car beaucoup de ses propriétés, dont des presbytères et d’autres biens matériels, ont été détruites. Le rôle de l’Église est simple : dire la vérité et promouvoir le dialogue. Mais l’Église est coincée entre le gouvernement et les Amba-Boys, et quoi qu’elle dise, elle est accusée par une partie ou par l’autre. Lorsque l’Église dit que les enfants ont le droit d’aller à l’école et qu’on ne devrait pas leur refuser le droit à la scolarisation, les Amba-Boys croient que l’Église a été soudoyée par le gouvernement pour le dire. D’un autre côté, certains responsables gouvernementaux ont ouvertement accusé l’Église d’attiser la crise par les différents textes que nous avons rédigés. L’Église croit en la paix, mais il ne peut y avoir de paix sans justice. La justice et la vérité doivent prévaloir et c’est ce que défend l’Église.

Selon plusieurs rapports, 160.000 personnes ont fui leurs foyers et vivent en tant que déplacés au Cameroun, et 34.000 ont fui au Nigeria. Quelle est la situation des réfugiés à Bamenda ?

Il y a de nombreux déplacés et réfugiés. L’archidiocèse a formé un comité ad hoc pour aider les personnes déplacées qui vivent à Bamenda. Toutes les personnes concernées ont été identifiées, leurs noms et lieux de résidence ont été notés. Quelques personnes de bonne volonté et certaines paroisses envoient leurs contributions à ce comité pour acheter de la nourriture, des médicaments, des matelas et d’autres objets nécessaires au quotidien afin de leur venir en aide. Les personnes réfugiées au Nigeria reçoivent une assistance, par l’intermédiaire du diocèse de Mamfé, en matière de santé, de nourriture et autres produits de première nécessité.

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