Les élections présidentielles du 7 octobre peuvent changer la donne, assure l’épiscopat camerounais, qui pousse un électorat démotivé à se rendre aux urnes. Entretien avec le père Armel Fopa, coordinateur local du réseau Foi et Justice.

Le père Armel Fopa, prêtre carme, est coordinateur pour le Cameroun du réseau Foi et Justice Afrique-Europe, mandaté pour promouvoir la justice économique entre ces deux continents. A la veille des élections présidentielles, il décrit une Église camerounaise engagée en faveur de la paix et de la démocratie dans un pays confronté à la menace de Boko Haram et au risque de sécession des régions anglophones du pays.

AED : Dans une lettre pastorale publiée le 24 août, la Conférence épiscopale camerounaise appelle la population à ne pas céder « au préjugé selon lequel le résultat [des élections présidentielles à venir] est déjà connu ». Pour quelles raisons ?

Père Armel Fopa : Il existe effectivement un sentiment très prégnant parmi la population, selon lequel les élections sont jouées d’avance. Mais c’est injuste, et très dangereux pour notre pays. S’il n’y a pas de possibilité de s’exprimer par le vote, certains choisiront la violence. Certes, il y a des problèmes, et en particulier celui des déplacés par les conflits qui n’ont plus de papier, de domicile, et qui ne pourront pas voter, mais c’est insuffisant pour condamner le scrutin dans son ensemble.

En cédant au défaitisme, on fait le jeu de certains politiques qui refusent le jeu démocratique quand ils sont défaits. Ils sont prêts à ne pas accepter le résultat des urnes pour des raisons de gloire personnelle, et risquent de faire sombrer le pays dans le chaos.

Vous pensez que les jeux ne sont pas faits ?

Je crois que pour la première fois depuis dix ans, les conditions pour un vote démocratique sont réunies dans notre pays. La société civile, et la jeunesse en particulier, ne supporte plus l’accaparement du pouvoir. C’est une bonne nouvelle, mais cela s’accompagne de tensions. L’histoire nous enseigne que dans de telles conditions, un peuple qui a des revendications légitimes peu basculer dans la violence. Nous devons être particulièrement attentifs aux évènements qui viennent.

Votre pays traverse une série de crises, notamment en raison des sécessionnistes de la région anglophone, et des exactions de Boko Haram. Quel est le rôle de l’Église dans ce contexte ?

L’Église a un rôle d’artisan de paix. C’est probablement la seule institution qui puisse jouer les arbitres, dans le conflit latent avec les sécessionnistes du nord-ouest du pays, car elle est écoutée par les deux parties en présence. Le malheur, c’est que sur cette question, le clergé est divisé entre pro et anti-sécessionnistes. Il faudrait resserrer les rangs !

En revanche, sans tergiverser, l’Eglise soutient de tout son poids, le processus démocratique, dont elle défend la légitimité. Parmi les autres actions qu’elle mène au service de cette cause, elle a formé 347 observateurs, qui auront pour fonction de s’assurer de la régularité du scrutin de dimanche. On pourrait s’étonner que ce soit l’Église qui tienne se rôle dans mon pays. Mais elle a une stature, elle est très écoutée, et pas seulement par les catholiques. Les chefs politiques, en particulier, savent que sa voix compte.

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