Seleka et anti-balaka continuent de s’affronter depuis le 8 mai en Centrafrique, suite aux enlèvements et meurtres de quelques jeunes à Datako par la faction Seleka. La situation s’est calmée suite à l’intervention de l’ONU, mais 5 000 personnes sont toujours déplacées. Rencontre avec Mgr Cyr-Nestor Yapaupa, évêque du diocèse d’Alindao.

Peut-on parler d’une normalisation de  la situation ?

Mgr Cyr-Nestor Yapaupa : Non. Les crises nous secouent depuis 2012. Si, par moments et par endroits, des accalmies s’observent, elles restent éphémères. Les regains de violences pouvant générer de nouvelles crises ne manquent pas. La quasi majorité de notre pays est infestée par la présence des personnes armées qui mettent à mal la liberté des citoyens.

Comment s’entendent chrétiens et musulmans à Alindao ?

Des Centrafricains de toutes les religions vivent encore à Alindao, y compris les musulmans. Dans ce diocèse, les chrétiens, tant catholiques que protestants, vivaient en parfaite harmonie avec les musulmans. Il existe encore, dans presque toutes les sous-préfectures de la région, des « plates-formes religieuses » destinées à préserver les liens interreligieux et consolider la paix sociale entre les différents groupes. Mais nous avons été surpris de de constater que certains musulmans se sont comportés en bourreaux envers leurs frères chrétiens. Ceci a sûrement affecté les liens de confiance qui avaient toujours prévalu.

Quelles sont les aides internationales ?

Je regrette que la crise dans laquelle nous sommes plongés soit si méconnue, si peu médiatisée. Comment pourrions-nous, alors, obtenir des aides suffisantes de la part des institutions internationales ? Mon diocèse se bat pour assurer le minimum vital aux déplacés, mais sincèrement, la précarité reste criante et nos moyens très limités pour aider efficacement tous ces sinistrés.

Comment la population vit-elle cette situation ?

La crise d’Alindao se trouve très marginalisée. Seule l’Église catholique semble en saisir l’ampleur et se bat pour assurer aux sinistrés la sécurité, la protection, le soin, la nourriture. Voici un témoignage : « Vous avez assez fait ! » a dit un fidèle chrétien au prêtre présidant la messe du jour. « S’il n’y a pas d’aide pour soutenir vos efforts, nous savons qu’à l’impossible nul n’est tenu. Nous prions pour que nous puissions bientôt rentrer chez nous. On vient au secours des gens partout ailleurs, mais ici, on ne s’intéresse pas trop à notre drame. Notre seul rempart, c’est Dieu. »

De quoi vivent les gens dans votre diocèse ?

Essentiellement des produits agricoles, de la chasse et de la pêche, mais ils font face à uneCentral African Republic - Project trip November 2015 crise alimentaire imminente. La population n’arrive plus à cultiver les champs en toute sécurité. Les greniers et réserves des paysans ont été saccagés, pillés et même brûlés. La majorité de la population s’abreuve grâce aux puits artisanaux ou aux rivières naturelles. Les rares fontaines modernes ne desservent qu’une partie infime de la population. L’accès à l’eau potable est très difficile, sinon critique, car l’insécurité a rendu très risqué l’accès aux points d’eau. La désintoxication de certaines sources serait salutaire.

Les écoles fonctionnent-elles encore ?

Tous nos efforts sont arrêtés par le vent de violence. Nos enfants ne peuvent plus aller à l’école. Toutes les écoles ont fermé leurs portes. Nous pleurons des larmes amères pour nos enfants abandonnés ! Toutefois, nous n’avons pas perdu espoir et nous sommes prêts à tenter l’impossible. Je serai sensible à toutes les mains tendues allant dans ce sens.

Comment leur venir en aide ?

En temps normal, leur journée est partagée entre l’école (pour ceux qui y vont), les travaux champêtres pour les enfants de paysans, et pour tous, les jeux après leurs activités respectives. Mais dans ces conditions, nos enfants se trouvent confrontés aux violences qui font fuir leurs parents et qui arrêtent leurs activités quotidiennes habituelles. On se demande ce que peut représenter cette situation dans le paysage mental de ces enfants que l’on déporte brutalement dans ce camp de fortune où les sons des armes ne cessent de tonner à côté. Nous faisons souvent des tours auprès des déplacés pour égayer les parents et les enfants afin qu’ils retrouvent de l’espoir, mais l’anxiété reste encore forte. D’où la nécessité de leur créer d’urgence un espace de divertissement et une école, pour extirper très rapidement de leurs esprits les tendances à la violence, à la haine ou à la vengeance.

L’AED est en contact avec Mgr. Cyr-Nestor Yapaupa et demande de l’aide aux bienfaiteurs pour pouvoir assister le diocèse en cette situation d’urgence.

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