Mgr Nestor-Désiré Nongo-Aziagbia, SMA, 58 ans, évêque de Bossangoa, dans le nord-ouest du pays, répond aux questions de l’AED.

La confrontation entre les différents groupes rebelles est-elle toujours d’actualité en Centrafrique ?

La nouvelle administration élue démocratiquement peine à asseoir son autorité sur le pays : 80% du territoire est sous le contrôle de chefs rebelles, qui se comptent désormais par quinzaine. Les affrontements entre groupes rebelles, les menaces de partition du pays ou de déstabilisation du régime, les assassinats, la naissance de nouvelles factions rebelles continuent de défrayer quotidiennement la chronique en Centrafrique.

Qu’en est-il dans votre diocèse ?

La Basse-Kotto (diocèse d’Alindao) est prise en otage par les milices. Depuis un certain temps, les deux camps ont développé des stratégies : ils évitent de s’affronter directement, mais organisent des embuscades sur les routes et font des victimes surtout au sein des populations civiles. L’autorité de l’Etat est en réalité assurée par des groupes armés. La justice populaire s’est installée à défaut de l’appareil judiciaire. Les groupes armés se constituent en tribunaux et utilisent impunément tortures, mutilations, exécutions comme moyens répressifs et correctionnels contre tout contrevenant.

Ces violences ont engendré les grands mouvements des déplacés. Pour la seule ville d’Alindao par exemple, il y en a plus de 30 000, répartis sur quatre sites.

Ces déplacés sont pris en charge – du moins pour ceux de la ville d’Alindao – par les ONG internationales et nationales. Les autres villes et villages, dont l’accès est rendu impossible à cause des agissements barbares des groupes rebelles, sont privés de toute action humanitaire : il s’agit des sous-préfectures telles que Mingala, Satéma, Mobaye et Zangba. Dans ces localités, le taux de mortalité est très élevé aussi bien chez les femmes enceintes que parmi les enfants de 0 à 5 ans. Les femmes accouchent dans la brousse, sans assistance d’une sage-femme.

Que peut faire l’Église sur le terrain ?

Pour le logement, le diocèse a cédé des parcelles qu’occupent aujourd’hui les déplacés. Il a aussi mis à la disposition de plus de 100 ménages des bâtiments et autres structures d’accueil. Pour l’éducation, avec l’aide de Caritas, le diocèse a établi une école d’urgence qui accueille 3000 enfants. Dans le domaine de la santé, à travers la clinique mobile, le diocèse prend en charge les déplacés qui se situent tout au long de l’Oubangui, allant de Mobaye à Zangba. Enfin, nous venons en aide aux plus nécessiteux. Plus 400 bénéficiaires, dont 250 enfants, ont reçu des dons en produits alimentaires et vestimentaires.

Sur un plan spirituel, annoncer l’Evangile demeure une nécessité. La parole de Dieu reste le fondement du réconfort et de l’espérance de nos fidèles. Or, force est de constater que nombre de chrétiens, surtout les jeunes, ont abandonné leur foi au profit de pratiques syncrétistes, le charlatanisme, le fétichisme et l’occultisme. Nous avons développé une pastorale d’écoute et d’accompagnement catéchétique pour approfondir et discerner avec ces jeunes les motivations profondes de leurs comportements, et les aider à retrouver leur foi chrétienne. Un certain nombre d’entre eux ont fait le pas de la conversion -comme le fils prodigue- et, après des marches pénitentielles suivies, ont retrouvé leur place dans la communauté chrétienne. Mais le réel défi qui s’impose au diocèse, c’est d’offrir à ces jeunes l’opportunité d’une réinsertion socio-professionnelle.

En effet, il faut avouer que les pratiques animistes et superstitieuses ne sont pas une finalité en soi. Ce n’est pas nécessairement l’animisme ou la superstition qui séduit les jeunes. L’objet de leur séduction est plutôt les présupposés avantages qu’ils auront en intégrant les groupes rebelles.

 

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