Nous publions ce message que le Père Yovane Cox, en Centrafrique depuis 12 ans, vient de nous envoyer pour la Semaine Sainte; une méditation sur le Chemin de Croix que vivent au quotidien les Centrafricains…Au moment où il écrivait cette lettre, ce 21 mars 2018, le Père Joseph Désiré Angbabata, curé de Séko, était assassiné lors de l’attaque perpétrée contre sa Paroisse Saint Charles Lwanga.

Chers amis,

Je vis en République centrafricaine depuis 12 ans, le pays le plus pauvre du monde selon les Nations Unies. Depuis 2012, ce pays connaît une guerre civile entre des groupes  » pseudo-religieux « . D’une part, il y a les groupes non musulmans qui se prétendent chrétiens, appelés Anti-Balaka, et d’autre part,  les groupes musulmans appelés Seleka, qui sont musulmans, mais qui ne pratiquent pas beaucoup et qui ont été manipulés par la politique. Ils sèment la terreur, les larmes et la souffrance dans ce pays. Pour moi, contempler le chemin de croix, c’est penser à ce que vit ce peuple.

Cette crise n’a pas commencé en 2012. Ce pays souffre depuis très longtemps. Les Centrafricains vivent dans une extrême pauvreté, ils ont une espérance de vie de 40 ans, 70% ou plus de la population est analphabète, 80%  ont besoin d’aide humanitaire pour pouvoir vivre, il y a un taux très élevé de personnes déplacées et de réfugiés… Ce pays me rappelle Jésus portant sa croix. J’imagine que cette ascension du Mont Calvaire a été pour Lui comme des années et des années de souffrance, espérant que cela se termine une fois pour toutes. C’est ainsi qu’on vit ici aussi. Nous marchons, nous faisons ce que nous pouvons pour faire avancer l’Église… et surtout nous prions constamment pour que cela se termine une fois pour toutes. C’est ainsi que vivent la plupart des habitants de cette terre. Nous, prêtres, nous le vivons avec la population ; quand la population souffre, nous souffrons avec elle. C’est ainsi que nous vivons cette épreuve, ce chemin de croix, ici en République centrafricaine.

C’est une passion soufferte à l’image de chaque chute de Jésus : chaque moment de douleur, cette rencontre avec sa mère.. c’ est comme la vie de chaque Centrafricain quand il doit se cacher des balles, quand il doit prendre les quelques biens de sa maison et s’enfuir, traverser le fleuve et atteindre le Congo et regarder de l’autre côté du fleuve sa maison brûler et disparaitre. Mais dans sa prière, il dit : « Dieu merci, je suis vivant, j’ai mes mains et mes pieds, j’ai ma famille et mes enfants…. ».

« Je vais vivre un jour de plus »

Nous sommes vivants. Et une chose simple comme ouvrir les yeux le matin et pouvoir se dire « je vais vivre un jour de plus » est une étape qui nous redonne du courage  : « Allons-y, cela va finir, allons de l’avant ».

Ce pays marche sur un chemin de croix et semble aboutir à la mort. Mais la mort doit être vécue. La mort de Jésus fut une mort injuste. La mort de Jésus selon la vision théologique chrétienne n’est pas seulement la mort naturelle, que nous devons tous vivre à un moment donné. Dans la Bible, on parle beaucoup de la mort comme conséquence du péché. Et je voudrais parler de ces « situations de mort » que l’on retrouve aussi dans la réalité centrafricaine : ne pas accepter la diversité, l’indifférence et la misère.

Les racines du mal

L’une des racines de la crise centrafricaine entre musulmans et non-musulmans est l’incapacité de vivre ensemble, de former un seul peuple. Le tribalisme poussé à un point tel que l’on oublie d’accepter l’autre et d’aimer ce qui est différent. C’est un signe de mort pour ce pauvre peuple centrafricain.

La seconde est la maudite indifférence. L’indifférence du cœur qui n’est pas touché par la souffrance de l’autre. Face à la douleur de la mort de Jésus-Christ sur la Croix, les yeux de son peuple étaient indifférents. La crise centrafricaine est diffusée pendant cinq minutes dans les actualités de vos pays et l’information se termine comme si la crise avait disparu. Des milliers de personnes meurent et certaines personnes disent  » comme c’est terrible  » et passent à autre chose. Face à la tragédie d’un peuple, nous disons « comme c’est terrible », nous fermons les yeux et poursuivons notre vie. En tant que chrétiens, nous ne pouvons pas rester indifférents, si nous sommes indifférents, nous sommes morts. Quand on me demande : Que puis-je faire ?, là, il y a de l’espoir.

L’indifférence est présente ici aussi. Les gens s’habituent à la mort, aux coups de feu, aux armes à feu. Plus rien ne les émeut, plus rien ne leur fait peur. Les gens disent « nous sommes habitués à cette musique », la musique de ces tirs au quotidien. C’est étrange de voir un vieil homme ici. Nous voyons les églises pleines de jeunes en Afrique. Que de jeunes, tant de monde ! mais pourquoi n’y a-t-il pas de personnes âgées à la messe ? Parce qu’ils sont déjà morts. La moitié des enfants d’aujourd’hui seront partis demain. (…)

Parler de la Résurrection, parler du Christ ressuscité, c’est parler de notre espérance chrétienne.

C’est parler d’une vie après la mort. Ici, en Afrique centrale, face à cette guerre, face à cette douleur, il y a toujours des signes d’espoir et de vie. (…) Notre cœur ressent la joie de la Résurrection, de savoir que notre vie a un sens et qu’il est bon de faire du bien aux autres. Là est l’œuvre du Christ, l’œuvre de la rédemption, la résurrection et l’espérance que nous, chrétiens, portons. Non pas à cause de nos mérites, non pas parce que nous sommes meilleurs que les autres, je ne le crois pas…. mais à cause de l’espérance que nous, chrétiens, nous avons et qui est d’être heureux de vivre une vie nouvelle dans le Christ Jésus.

Priez pour nous ! Que Dieu vous bénisse tous !

Père Yovane Cox

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