Alors que certaines voix suggèrent que la crise actuelle en République centrafricaine serait d’origine inter-religieuse, le président de la conférence épiscopale, Mgr Nestor Nongo-Asiagba, rappelle qu’elle est avant tout d’ordre économique, due à la prédation des richesses naturelles du pays.

« N’utilisons pas la religion pour dissimuler l’exploitation » du pays par des acteurs gouvernementaux et non-gouvernementaux, a notamment déclaré Mgr Nestor Nongo-Aziagba, évêque de Bossangoa et Président de la conférence épiscopale centrafricaine. Invité à la deuxième réunion ministérielle annuelle pour la promotion de la liberté religieuse à Washington, il a tenu à rappeler que l’actuelle effusion de sang est le résultat de l’exploitation économique et de la lutte pour les riches gisements de diamants et d’or du pays.

Insister sur le conflit entre chrétiens et musulmans en Centrafrique constitue « une diversion, une digression par rapport au vrai problème de la pauvreté, de l’analphabétisme et de l’absence de justice » – comme en témoigne l’impunité de nombreux groupes rebelles meurtriers – a-t-il souligné, avant d’ajouter que le pays étaient aux prises avec « une crise politique, non une crise religieuse ».

Ex-Séléka et anti-Balaka, animés par une même cause : l’argent

Fin 2012, des milices musulmanes ont fusionné pour former le groupe Séléka (qui signifie « alliance ») et ont attaqué et détruit des villages non musulmans, ce qui a provoqué la formation des « anti-Balaka », un groupe de milices majoritairement non musulmanes, comprenant de nombreux chrétiens. Un conflit sanglant a commencé, les deux groupes terrorisant tant la population chrétienne que la population musulmane, causant d’énormes souffrances et des bouleversements.

La milice Séléka – désormais « ex-Séléka », parce qu’elle s’est scindée en différentes milices musulmanes – est formée de « rebelles qui sont là pour exploiter, pas pour convertir », a assuré Mgr Nongo, ajoutant que ces milices « nuisent tant aux chrétiens qu’aux musulmans ». Plus des deux tiers des miliciens sont des mercenaires musulmans du Tchad, du Niger, du Cameroun et d’ailleurs, a-t-il précisé. Cependant, ils ne sont pas animés par un projet religieux, mais ayant découvert les richesses minières du pays, ils cherchent des occasions de s’enrichir. De plus, de nombreux miliciens ne pratiquent pas l’islam.

Tout comme les Séléka se présentent comme les protecteurs de la majeure partie des musulmans centrafricains, les anti-Balaka proclament qu’ils défendent les intérêts de la majeure partie des catholiques du pays. Les deux camps déforment la vérité, a assuré Mgr Nongo, qui a accusé divers groupes rebelles de bénéficier du soutien direct ou indirect de pays comme la Russie et la Chine, et même de nations occidentales, afin de récolter les fruits de la richesse minérale du pays.

Un défi sécuritaire

Le principal défi, selon l’évêque, est de rétablir la sécurité, afin que les gens puissent rentrer chez eux et qu’ils « puissent vivre sans avoir peur les uns des autres ».

Pendant ce temps, de nombreux adultes mais aussi des enfants et des adolescents rejoignent les milices, en raison de la pauvreté croissante, du manque d’éducation, de la perte de leurs domiciles et de la crainte de nouvelles attaques. « Nous devons mettre fin à la frustration populaire face à l’effondrement du pays », a souhaité Mgr Nongo. La faiblesse du gouvernement centrafricain se manifeste avec évidence à travers le fait que le pays n’a « pratiquement pas de routes et qu’environ 80% du pays est contrôlé par des groupes rebelles ». L’évêque s’interroge : « Où est la souveraineté de notre État ? »

L’Église centrafricaine est fermement engagée dans le soutien au dialogue islamo-chrétien, a assuré Mgr Nongo, un dialogue qui vise à « vivre ensemble et se rencontrer » et à se manifester du respect mutuel. Il est crucial, selon lui, que chrétiens et musulmans montrent qu’ils sont unis, dans une commune opposition à la violence perpétrée en leur nom.

En février 2019, le gouvernement centrafricain a signé un accord de paix à Khartoum, au Soudan, avec plus d’une douzaine de groupes rebelles. Mais Mgr Nongo doute de l’impact à long terme du traité de paix, car les différentes milices ayant signé « interprètent l’accord de manière contradictoire ».

« En bon chrétien, j’ai de l’espoir pour l’avenir », assuré, mais « je dois être réaliste : il s’avère très difficile de surmonter la violence des sept dernières années. »

Selon Human Rights Watch, le conflit a fait plus de 640.000 déplacés en 2018, et l’ONU a estimé le nombre de personnes ayant fui le pays à près de 570.000.

 

(crédit photo : diocèse de Bossangoa)

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