Mgr Peter Lee Ki-heon, évêque d’Uijeongbu, est le président du Comité pour la réconciliation du peuple coréen de la Conférence épiscopale coréenne. Alors que trois sommets inter-coréens ont été organisés en 2018, il évoque la situation des catholiques en Corée du Nord et la possibilité d’une réconciliation des Coréens.

Où en est le processus de réconciliation en cours entre les deux Corées ?

Cela fait soixante-quatorze ans que la Péninsule coréenne est divisée. La guerre tragique qui a fait rage dans toute la péninsule coréenne [de 1950 à 1953] et a coûté la vie à des millions de civils innocents, ainsi qu’à de jeunes soldats mal entraînés. Après la guerre, le Sud et le Nord avaient peur l’un de l’autre. Mais le premier Sommet entre les deux Corées, en 2000, a jeté les bases d’une réconciliation. Après 2010, toutefois, les relations se sont à nouveau détériorées. La Corée du Nord continuait à tester des armes nucléaires. Actuellement, l’administration du président sud-coréen Moon Jae-in fait de son mieux pour assurer la médiation entre les États-Unis et la Corée du Nord, car c’est la clé de la paix dans la péninsule coréenne. C’est pourquoi trois sommets inter-coréens ont eu lieu en 2018.

Cette paix, dans la péninsule coréenne, n’a jamais été un objectif facile à atteindre, comme le démontre l’échec du sommet de Hanoi. Cependant, l’Église catholique coréenne reconnaît plus que jamais le caractère crucial de sa mission. Nous ferons de notre mieux pour saisir les occasions qui nous sont offertes d’être des artisans de paix.

Que fait l’Église pour promouvoir la réconciliation ?

Rendez-vous compte que, depuis 1953, nous sommes toujours officiellement en guerre ! Tous les pays qui ont pris part à la guerre de Corée ont désespérément besoin de réconciliation, de compréhension mutuelle.

L’Église catholique coréenne œuvre par la prière, l’éducation et des échanges avec les religieux de la Corée du Nord. En 2015, l’Église catholique coréenne a entamé les discussions sur la création de sous-comités pour la réconciliation du peuple coréen dans les paroisses de tous les diocèses. Désormais, plusieurs d’entre eux se mobilisent. Les fidèles proclament la paix du Christ, mission fondamentale des chrétiens, dans la société coréenne qui est si blessée. Récemment, nous avons renforcé la solidarité entre les Églises des États-Unis et du Japon. Nous les avons invités à travailler ensemble pour défendre la paix, discuter de la réalité de la péninsule coréenne et prier ensemble.

Que représente l’église du Repentir, près de la frontière avec la Corée du Nord ?

L’église du repentir et des expiations est située à 3 kilomètres au sud de la zone démilitarisée, séparant le sud et le nord. Cette église a été offerte pour la paix dans la péninsule coréenne. Elle est conçue dans le style typique des églises nord-coréennes avant la guerre de Corée. C’est une marque de notre repentir, après que nous ayons tués des frères coréens pendant la guerre. À l’intérieur de l’église, sur le haut plafond de l’autel, on peut admirer une mosaïque à grande échelle de Jésus et des saints martyrs de la Corée du Nord et du Sud. Cette œuvre d’art est réalisée par des artistes nord-coréens. Cela donne une signification particulière à l’église car c’est une œuvre commune des sud et nord coréens.

Tous les samedis, les fidèles se rassemblent dans cette église afin de prier et de célébrer la messe pour la paix dans la péninsule coréenne. Nous proposons également plusieurs programmes d’éducation à la paix tels que le « pèlerinage pour la paix dans la zone démilitarisée » et les « séminaires sur la réconciliation des coréens ». L’Institut catholique pour la paix en Asie du Nord-Est (CINAP) organise une conférence internationale annuelle sur la paix afin de promouvoir la solidarité avec les pays concernés par les questions relatives à la péninsule coréenne.

Vous qui venez du Nord, espérez-vous toujours la réunification des deux Corées ? Quelles sont vos priorités ?

Je suis descendu dans le sud pendant la guerre de Corée avec mes parents quand j’étais très jeune. Je n’ai presque aucun souvenir du Nord. Cependant, deux de mes sœurs aînées ont été laissées là-bas. À partir de l’exil, mes parents ont regretté leur ville natale chaque jour de leur vie. Je voyais bien leurs cœurs brisés, alors j’ai grandi en comprenant à quel point la division et la guerre sont terribles.

Je pense qu’on ne peut pas s’attendre à une réunification immédiate. Cependant, nous devrions maintenant mettre fin à l’hostilité, à la haine et cesser d’avoir peur de l’autre. Notre priorité absolue devrait être de passer de relations hostiles à un régime de paix mutuellement reconnu. Premièrement, la dénucléarisation complète de la péninsule coréenne et l’amélioration des relations entre les États-Unis et la Corée du Nord sont des tâches essentielles. Après cela, nous pourrons finalement parvenir à une paix solide et dépasser le stade de l’actuel statu quo, fragile, quand les tensions bellicistes et les conflits seront apaisés dans la région de la péninsule coréenne et de l’Asie du Nord-Est. Si cette paix était réalisée, nous pourrions envisager de réunir les deux Corées. 

Quelle est la situation de l’Église en Corée du Nord ?

Avant la guerre de Corée, on dénombrait plus de 50 000 fidèles catholiques et plus de 60 paroisses dans le nord. Cependant, au cours de la guerre, les églises ont été complètement détruites, tous les prêtres ont été arrêtés ou ont fui vers le Sud. Contrairement aux protestants, aucun des clercs catholiques n’a pu rester dans le Nord. Cependant, beaucoup de fidèles sont peut être restés dans le Nord.

L’Église catholique sud-coréenne a commencé à s’intéresser sérieusement à l’Église nord-coréenne dans les années 1980. En 1988, les autorités nord-coréennes ont créé l’association catholique Joseon et construit l’église catholique Jangchung à Pyongyang. Selon un registre fourni par le Nord, le nombre de fidèles catholiques pourrait être de 3 500. Plus tard, des prêtres et des fidèles sud-coréens ont visité l’église de Jangchung et ont célébré la messe avec des fidèles nord-coréens. De nombreuses aides humanitaires ont été apportées à travers cette église et l’association catholique de Joseon.

Cependant, les réponses aux fidèles nord-coréens diffèrent considérablement entre les prêtres sud-coréens et les fidèles qui les ont rencontrés à l’église de Jangchung. Alors que certains ont été touchés par la célébration de la messe ensemble et ont prié pour la foi nord-coréenne, d’autres s’interrogeaient sur l’authenticité de la foi des fidèles nord-coréens en raison de leur apparence ou de leurs attitudes.

Ce qui importe pour nous, c’est que parmi les Nord-Coréens présents à l’église, certains sont de vrais croyants. Bien sûr, c’est un fait, la plupart des gens ont été recrutés par les autorités nord-coréennes pour occuper ce poste en raison de leur loyauté envers le Parti communiste. Mais pour ces quelques vrais fidèles, nous devons reconnaître qu’il existe au Nord des catholiques authentiques, qui essaient d’être fidèles à l’Évangile et aux enseignements catholiques.

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