À Cuba, la période de consultation populaire sur la réforme constitutionnelle expirait hier, jeudi 15 novembre, après trois mois de débats ; c’est dire si le peuple et l’Église vivent une période de changements. Le père Rolando Montes de Oca, 37 ans, de l’archidiocèse de Camagüey, se confie à l’AED.

L’ère castriste à Cuba s’est définitivement terminée en avril 2018. C’est Miguel Díaz-Canel qui a succédé à Fidel et Raúl Castro en tant que nouveau Président. Que pensent les gens du nouveau gouvernement ?

Je dirais que c’est toujours la même chose. Miguel Díaz-Canel lui-même a répété à plusieurs reprises que sa mission était d’assurer la continuité du soi-disant « processus historique », c’est-à-dire du socialisme initié par Fidel Castro en tant que chemin politique, économique et social. En outre, dans son premier discours en tant que Président, il a déclaré que cette continuité constituait la priorité absolue de son gouvernement, et a affirmé que c’est Raúl Castro qui prendrait toutes les décisions fondamentales pour la nation.

L’une des premières actions de ce gouvernement a été de modifier la nouvelle Constitution, qui a été adoptée par le Parlement cubain en juillet. Comment la liberté de religion est-elle abordée dans ce texte ?

Il existe la liberté du culte, dans le sens où les gens peuvent se rassembler dans les églises pour célébrer leur foi. Les articles qui existaient déjà dans la Constitution précédente et qui établissaient que l’État cubain « reconnaît, respecte et garantit la liberté religieuse » ou que « toutes les personnes ont le droit de professer ou non des croyances religieuses » sont demeurés inchangés.

Il est important de comprendre ce que l’on entend par liberté religieuse. À mon avis, il ne faudrait pas uniquement se référer à la liberté du culte. Cependant, ces maximes sur la liberté religieuse peuvent représenter un point de référence, un idéal vers lequel avancer par le dialogue.

Les touristes qui se rendent à Cuba voient des églises pleines. Est-il possible de dire que maintenant les chrétiens peuvent vivre librement leur foi ? Diriez-vous que l’époque de la discrimination est révolue ?

Évidemment, les choses ne sont pas comme à l’époque de l’ex-Union soviétique. Et bien qu’Internet ne soit pas encore disponible pour tous les Cubains, de plus en plus de gens peuvent se connecter au réseau. Par conséquent, le mode de fonctionnement du gouvernement est de plus en plus public, dans le sens où il traverse les frontières nationales, et fait de plus en plus l’objet d’informations sur la scène internationale. Pour sa part, le système cubain est très désireux de communiquer une image de démocratie, d’un Cuba où la liberté est totale.

Cependant, même si la liberté de culte existe, je pense qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir avant de parvenir à une véritable liberté religieuse. Par exemple, les familles cubaines n’ont pas le droit de choisir le type d’éducation qu’elles veulent offrir à leurs enfants : elles sont toujours obligées de les éduquer dans l’idéologie marxiste athée. En dépit d’une éducation laïque, la philosophie qui sous-tend la façon d’analyser l’histoire et la réalité est toujours de type athée et matérialiste.

L’Église est-elle également soumise à des restrictions dans le domaine religieux ?

Il n’est pas reconnu à l’Église pèlerine de Cuba le droit d’avoir son espace propre dans les médias. Sauf lors des visites papales et à l’exception de quelques minutes accordées chaque année aux évêques sur les radios locales, l’Église n’a pas accès aux médias. Un autre obstacle important a été l’interdiction de construire des églises et lieux de culte, bien que deux ou trois aient récemment été construits, après presque 60 ans de pétitions et de dialogue.

Des choses très banales se produisent également dans les villages, comme les interdictions dont font l’objet certaines actions pastorales spécifiques, parfois contre certains prêtres, ou contre certaines actions caritatives de l’Église. Ce sont là des situations désagréables dont l’origine n’est pas claire, car on ne sait pas si elles ont été ordonnées en haut lieu ou décidées de façon indépendante par de petits dirigeants régionaux.

Bien qu’après tant d’années de répression religieuse, certains progrès aient été réalisés sur la question de la liberté religieuse, l’idée semble prévaloir dans la tête de chacun que s’il se trompe en agissant contre l’Église, il n’en subira aucune conséquence. Mais si l’erreur consiste à favoriser la religion, cela pourra lui causer des problèmes.

 

(crédit photo : AED/Ulrich Kny)

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