Plus de cinq ans après le tremblement de terre dévastateur en Haïti, de nombreuses chapelles et églises sont toujours en ruines. Elles rappellent tous les jours que la catastrophe du 12 janvier 2010 a coûté la vie à près d’un quart de million de personnes – dont celle de l’archevêque de Port-au-Prince, Joseph Serge Miot. Ces derniers mois, ce sont des actes de banditisme à l’encontre des religieux et prêtres qui inquiètent les fidèles. L’Aide à l’Église en Détresse a rencontré Mgr Launay Saturné, évêque du diocèse de Jacmel.

Haïti est l’un des pays les plus pauvres d’Amérique latine : depuis plusieurs mois les actes de banditisme subis par des religieux et des prêtres en Haïti se multiplient. Comment l’Église et les fidèles vivent-ils cette situation?

« Les catholiques sont très inquiets face à cette violence. Entre novembre 2014 et février 2015, plus d’une vingtaine de communautés religieuses ont été cambriolées. La conférence Épiscopale d’Haïti a alors invité à une veillée de prières de 24 heures et la conférence Haïtienne des Religieux a appelé à une journée de compassion et de solidarité avec toutes les victimes de l’insécurité actuelle le 9 mars 2015. Ce jour-là, les portes de toutes les œuvres dirigées par les religieuses et les religieux sont restées fermées. Des centaines de religieuses et de prêtres ont marché silencieusement dans les rues des villes haïtiennes. Nous demandons que l’État veille à ce que les droits de l’homme soient garantis – indépendamment de la religion. Les manifestations ont certainement porté leurs fruits, depuis il y a moins de cambriolages.

Mgr Saturné, vous avez été nommé évêque en avril 2010 peu après le tremblement de terre. Où en est-on de la la reconstruction aujourd’hui en Haïti ?

« Avant le tremblement de terre, la situation en Haïti était difficile ; après le tremblement de terre elle était catastrophique et aujourd’hui tous les dommages sont loin d’être réparés. Il reste encore beaucoup à faire. Nous sommes reconnaissants pour le soutien généreux que nous avons reçu après le séisme : de nombreuses chapelles et églises ont pu être reconstruites. Mais beaucoup reste à faire. Trop d’églises sont encore est en mauvais état et inaccessibles ; les services religieux y sont célébrés sous des tentes et d’autres abris temporaires ».

La situation économique en Haïti est difficile et le taux de chômage élevé. Beaucoup fuient dans l’espoir d’une vie meilleure en République dominicaine voisine. Quelle est votre réaction face à cette situation ?

« Ce sont surtout les jeunes gens qui quittent Haïti ce qui est particulièrement douloureux pour le pays et pour l’Église catholique. Parce que la jeunesse est cruciale pour notre pays. De plus, les réfugiés ne sont pas reçus à bras ouverts en la République dominicaine. Fin mai, le pape François a reçu les évêques dominicains à Rome et leur a rappelé l’importance de l’attention pastorale et caritative des immigrants ».

La cathédrale de Jacmel s’est effondrée lors du tremblement de terre et elle n’est toujours pas accessible. Vous vous efforcez de collecter les fonds nécessaires à la reconstruction de votre cathédrale. Quelle est l’importance de cette église pour les fidèles ?

« La Cathédrale Saint Jacques et Saint Philippe de Jacmel date du XIXe siècle. Elle est un édifice religieux et historique et les fidèles y sont très attachés. Des experts ont constaté qu’elle peut être restaurée. Mais faute d’argent pour cela, depuis cinq ans nous célébrons la Sainte Messe non à la cathédrale mais dans une salle totalement inadéquate. Nous avons besoin d’espaces dignes pour le service religieux, c’est pourquoi il est important de reconstruire les églises. Mais même si les édifices de l’Église ont été détruits, la foi des catholiques, elle, n’est pas détruite ».

Les fidèles ont besoin de bons bergers en ces temps difficiles. Qu’en est-il des nouvelles vocations dans votre diocèse qui comprend 27 paroisses » ?

« Grâce à Dieu nous avons de nombreuses vocations : 38 séminaristes se préparent actuellement à leur ordination, neuf de plus qu’il y a quatre ans. La formation a lieu au séminaire de Port-au-Prince. Cette année, je vais ordonner trois nouveaux prêtres ».

 

L’Aide à l’Église en Détresse soutient diverses initiatives dans votre pays : projets de construction mais également de formation des catéchistes et des séminaristes, achat de matériel pédagogique et de véhicules pour aider les prêtres dans leur travail quotidien. Quelle est selon vous l’aide la plus importante pour votre pays ?

« Nous voulons oublier au plus vite le 12 janvier 2010, les bâtiments détruits nous le rappellent chaque jour. Nous voulons reconstruire nos maisons et nos églises. Ceci est la reconstruction matérielle. Mais le plus important pour nous c’est le peuple haïtien. En janvier le pape François a, en parlant d’Haïti, demandé expressément que la personne humaine soit au centre des opérations de secours. Il a dit textuellement : « Il n’y a ainsi pas de véritable reconstruction d’un pays sans reconstruction de la personne dans sa plénitude » Nous voulons veiller à ce que ces mots du pape restent vivants. Le travail humanitaire doit aller de pair avec l’accompagnement pastoral. Les deux devraient être complémentaires ».

Quelle sera la forme concrète de cette « reconstruction de la personne dans sa plénitude » ?

« La formation en est la clé. Nous avons besoin de davantage de lieux d’enseignement : des maternelles et des écoles pour les petits aux universités pour les jeunes adultes. Mais nous devons également soutenir les jeunes financièrement afin qu’ils puissent fréquenter les écoles et les universités. Il est terrible d’avoir une université à Jacmel que de nombreux jeunes ne peuvent pas payer ».

 

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