Dans un entretien avec l’AED, Mgr Sarat Chandra Nayak, évêque de Berhampur, revient sur les discriminations envers le christianisme: origines et explications. (partie 2/2)

AED: Pouvez-vous expliquer pourquoi les nationalistes hindous sont si hostiles au Christianisme ?

Tout d’abord, ils associent la domination coloniale britannique au Christianisme. Relativement peu de Britanniques sont venus en Inde, et pourtant ils l’ont gouvernée pendant plus de 200 ans. Les nationalistes hindous craignent que s’il y a plus de chrétiens en Inde, ils ne gouvernent à nouveau l’Inde. Le Christianisme est considéré comme une religion étrangère. Deuxièmement, le Christianisme remet en cause divers préceptes et pratiques de la religion hindoue, et les hindous craignent de perdre leur influence.

Par exemple, la foi chrétienne a contesté la pratique séculaire du Sati pratha selon laquelle une veuve était brûlée vive avec le cadavre de son mari. La religion hindoue soutenait que les femmes n’ont pas d’existence indépendamment de leur mari, que les veuves n’ont pas le droit d’exister, de posséder des biens ou de se remarier. Cette pratique est presque entièrement éradiquée aujourd’hui. Deuxièmement, il y a le Jati pratha (le système des castes), qui classe les gens en fonction de leur naissance et les traite en conséquence comme inférieurs ou supérieurs. Les relations sociales ne sont pas autorisées entre les différentes castes.

Les Dalits sont considérés comme des parias ou des intouchables – et même le fait de croiser leur ombre est considéré comme quelque chose qui rend impur. Le système de castes ne permet pas à une personne d’avoir un métier autre que celui attribué à sa caste ou famille de naissance. L’Église s’efforce d’éradiquer ce système de castes.  Elle favorise et soutient l’égalité en droits et en dignité de chaque citoyen.

L’idéologie hindutwa adoptée par les nationalistes hindous tente d’imposer le nationalisme culturel, dont le but est : une culture, une langue et une religion. Tout en étant fidèle aux enseignements du Christ, l’Église reconnaît, respecte et favorise le pluralisme des cultures et des langues.

Enfin, l’Hindouisme est imprégné de nombreuses croyances sombres, y compris la pratique de la magie noire, de la sorcellerie, etc., qui sont utilisées pour exploiter, torturer et faire chanter les gens. L’Église, par l’éducation et la sensibilisation, en particulier auprès des Dalits et des peuples tribaux, libère les gens de ces forces maléfiques.

AED: Que font les évêques pour lutter contre la discrimination des Dalits catholiques au sein même de l’Église ?

Lors de nombreuses réunions nationales, les évêques de l’Inde ont publié des déclarations appelant à la fin de la discrimination des Dalits et du système des castes, non seulement au sein de l’Église mais aussi dans la société en général. Cependant, le système des castes semble être profondément enraciné dans la psyché de nombreux indiens, y compris les chrétiens. Des « restes » du système des castes survivent même après le baptême. Maintenant, en adoptant officiellement leur politique en ce qui concerne les Dalits au sein de l’Église, les évêques indiens se sont engagés dans une campagne visant à les responsabiliser et à éduquer tous les fidèles, réaffirmant l’égalité de tous, et soulignant le fait que les Dalits doivent bénéficier de l’égalité des chances dans les différents domaines professionnels et sociaux.

AED: Comment se manifeste la tension entre la notion de pureté profondément enracinée dans l’Hindouisme et le message de l’Évangile selon lequel tous les hommes et toutes les femmes sont tout aussi dignes aux yeux de Dieu ?

Le système des castes en Inde n’est pas seulement une partie de la religion hindoue – il fait partie de la culture indienne. Même si la Constitution indienne interdit la pratique du système des castes, il existe toujours. Et malheureusement, il continue aussi d’exister parmi les chrétiens. Dans le passé, dans le cadre d’une stratégie missionnaire pour l’évangélisation, le système des castes avait été toléré par certains missionnaires, et cette attitude persiste encore partiellement aujourd’hui. On pense que le christianisme a d’abord été amené par Saint Thomas au Kerala et dans certaines parties du Tamil Nadu. Pendant des siècles, les chrétiens de la caste supérieure locale ont revendiqué qu’ils descendaient directement de l’apôtre. En raison de cette mentalité de caste, la foi est restée confinée à cette région et ne s’est pas propagée à d’autres parties du pays pendant plus de 1 500 ans. C’est seulement lorsque Saint François Xavier est venu en Inde que le Christianisme s’est répandu.

AED: Vous êtes vous-même un Dalit. Quelle a été votre expérience en poursuivant votre vocation dans l’Église ?

Personnellement, je n’ai pas connu de discrimination pendant mon enfance, ni même pendant ma formation au séminaire. Non seulement le fait de discriminer les gens en fonction de leur appartenance à une caste n’est pas chrétien, mais ce n’est pas non plus humain. Je suis heureux d’être prêtre, et je considère mon sacerdoce comme le plus grand don que Dieu m’a fait pour le bien de Son peuple. L’épiscopat est une responsabilité supplémentaire et j’essaie « d’être un serviteur heureux », selon la devise de mon épiscopat. Étant un Dalit, le concept d’être un serviteur peut me sembler plus facile à comprendre qu’à d’autres. Et en tant que chrétien de première génération dans ma famille, ma foi en Christ m’apporte un grand bonheur, car elle est encore nouvelle et non contaminée.

Lire la partie 1/2: https://www.aed-france.org/inde-leglise-lutte-contre-la-discrimination-1-2/

 

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