A l’approche des élections législatives qui auront lieu dimanche 30 septembre au Kurdistan irakien, le cardinal Louis Raphaël Sako, patriarche de l’Église catholique chaldéenne, a confié à l’AED les espoirs et les attentes des chrétiens de son pays.

Qu’attendez-vous des élections législatives qui auront lieu dans quelques jours ?

Nous en attendons une augmentation de l’offre de services, davantage d’opportunités professionnelles pour les jeunes, la reconstruction des villages et des villes détruits par l’Etat islamique, la fin des milices et de la corruption. Bref, nous voulons construire un pays démocratique et ainsi renforcer la coexistence pacifique.

Nous avons espoir car, en mai dernier, [lors des élections législatives irakiennes], 239 des 329 membres du Conseil des représentants ont été élus pour la première fois. Il y a donc quelque chose de nouveau, qui bouge. Nous, chrétiens, nous aspirons également à une amélioration du niveau de sécurité – même si celui-ci s’est déjà bien amélioré.

 Il existe aujourd’hui une conscience plus forte de la nécessité de parvenir à une unité dans le pays. Nous cherchons tous l’unité, mais certains partis politiques se battent, malheureusement, pour parvenir au pouvoir.

Les résultats des élections pourraient-ils favoriser le retour des chrétiens dans la plaine de Ninive ?

Il sera difficile de convaincre ceux qui ont quitté le pays d’y revenir. Pour des raisons psychologiques, en particulier. Et nombreux sont ceux qui veulent rejoindre leurs familles en Occident. Les chrétiens irakiens qui s’y trouvent ne rentrent pas parce que leurs enfants y sont intégrés, vont à l’école. Peut-être que les parents aimeraient revenir, mais ils ne le peuvent pas, pour leurs enfants.

Pour l’instant, nous essayons de convaincre ceux qui sont encore là de rester en Irak, de ne pas partir. Et l’issue des élections de dimanche peut convaincre les chrétiens de rester. C’est un grand défi pour nous. Pour y parvenir, nous devons reconstruire ce qui a été détruit par l’Etat islamique : les maisons, les écoles, les infrastructures. Il faudra ensuite, et c’est très important, créer du travail. Dans la plaine de Ninive, il faudra développer l’agriculture, l’industrie alimentaire. Cette attention continue aidera les gens à ne pas penser qu’ils ont été abandonnés ou oubliés.

Comment encourager les chrétiens à retourner en Irak ?

Pour revenir, les chrétiens ont certainement besoin d’une aide matérielle, pour finir de restaurer leur maison par exemple, et d’un encouragement moral. Et puis, bien sûr, ils ont besoin de sécurité. Lorsque les relations entre le gouvernement central et les autorités kurdes fonctionnent, tout se passe mieux, mais lorsqu’elles sont bloquées, des complications surviennent.

La plaine de Ninive se trouve à la frontière entre le Kurdistan et le gouvernement central irakien. La lutte entre Kurdes et Arabes pour l’occuper constitue malheureusement un problème. Cette division ne pousse certainement pas les gens à revenir. Par exemple, la route de Badnaya à Teleskuf est fermée et les gens ne peuvent pas l’emprunter. Aussi, même si nous disposions des fonds pour reconstruire leurs maisons, nous ne pourrions pas le faire ! Nous attendons maintenant la formation du gouvernement central et les élections au Kurdistan pour résoudre ce problème. C’est un problème crucial car les gens perdent peu à peu, lentement, confiance.

Depuis le 28 juin dernier, comment vivez-vous votre mission de cardinal ?

C’est un lourd fardeau. Tout le monde vient à moi pour demander de l’aide, une intervention, un service. Pour moi, le travail a doublé. Cette mission me donne d’autant plus de force, afin de travailler au service du bien commun, sans distinction entre chrétiens et musulmans. Et d’ailleurs, quand les chrétiens proposent des solutions pratiques et réalistes, pour le bien commun, alors ils sont écoutés. Je peux dire que nous nous sentons vraiment entendus. D’ailleurs, je suis la première personnalité religieuse à avoir été visité par l’actuel président du Parlement. Il est venu remercier le Patriarcat pour nos initiatives, en faveur du dialogue, de la réconciliation et de l’harmonie sociale.

Après mon élévation au cardinalat, de nombreux musulmans sont venus me féliciter et m’encourager, ainsi que des responsables politiques et religieuses. Nous avons créé un Comité pour le dialogue avec les autorités sunnites et chiites afin de vaincre tout esprit de vengeance. Cela porte ses premiers fruits. Nous avons préparé un livre pour présenter les religions chrétienne et musulmane, les chiites et les sunnites, ainsi que la religion des Yézidis et celle des Mandaïtes, afin d’aider les gens à connaître ces religions. Il y a tellement d’ignorance.

Que peut faire l’Église universelle pour soutenir la communauté chrétienne en Irak ?

 L’Eglise nous a déjà beaucoup aidés. Cela a convaincu beaucoup de gens de rester et de ne pas perdre espoir. Nous sommes une minorité, mais nous sommes une minorité dynamique.

Avec le temps, lentement, la liberté de religion et de conscience viendra. J’en suis convaincu. Les gens seront libres de changer de religion et de croire en ce qu’ils veulent. Personne ne pourra forcer quiconque à être chrétien, musulman ou juif. Ce processus a déjà commencé et je crois que tôt ou tard il se réalisera pleinement. C’est pourquoi notre présence est très importante même si nous sommes un petit troupeau.

Nous avons beaucoup de problèmes, mais nous avons une vocation, une mission ici, une responsabilité envers nos concitoyens. Si nous sommes soutenus et aidés, nous pouvons faire davantage. Nous sommes les premiers chrétiens, nous sommes la plus ancienne Eglise, celle de l’ancienne Mésopotamie. Cette Eglise doit rester ici et ne pas disparaître.

 

 

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