Alors que les Etats-Unis ont mis en place de nouvelles sanctions économiques contre l’Iran, lundi 5 novembre, Mgr Ramzi Garmou, archevêque de Téhéran et président de la Conférence épiscopale, s’est confié à l’AED. Né au Kurdistan irakien, il réside en Iran depuis 1976 où il dirige la petite mais très ancienne Église chaldéenne iranienne.

Lundi 5 novembre, les États-Unis ont mis en place de nouvelles sanctions économiques à l’encontre de votre pays d’adoption, l’Iran. Quelle est la situation sur place ?

Ce n’est pas d’aujourd’hui que l’Iran est frappé par des sanctions économiques. Je suis chrétien irakien d’origine, même si je suis en Iran depuis 1976, et croyez-moi, ceux qui viennent de cette région savent que l’Amérique défend ses propres intérêts, à n’importe quel prix. En 2003, ils ont ravagé mon pays natal sous des prétextes futiles. Les Iraniens ont déjà de grandes difficultés pour trouver du travail, pour se nourrir, car la vie est très chère. Ils ne réclament pas de grands changements politiques ; ils veulent juste un emploi et du pain.

L’Église soutient ceux qui sont dans le besoin avec ses moyens, en particulier en participant aux frais de scolarité ou aux frais médicaux, mais elle a surtout une puissance spirituelle et la proximité avec les pauvres.

En Iran, les chrétiens sont-ils particulièrement défavorisés ?

Il leur est interdit d’exercer certaines fonctions comme directeur d’école, par exemple, mais les communautés historiques chrétiennes sont globalement bien intégrées dans la société iranienne. Nos racines sont profondes ! La communauté chaldéenne, qui est à présent réduite à un minuscule troupeau de 4000 âmes, remonte aux temps apostoliques. C’est Thomas l’Apôtre qui porta l’Evangile jusqu’en Perse et créa notre Église. L’Histoire l’a un peu oublié mais nous avons envoyé des missionnaires jusqu’en Chine, bien avant les Occidentaux. À présent nous traversons une nouvelle période de crise, qui a débuté avec la Révolution de Khomeiny, en 1979. Toutes les écoles et les hôpitaux catholiques ont été fermés, diminuant considérablement notre rayonnement sur la société.

Mais regardez notre histoire ! Les chrétiens ont connu des persécutions dès l’origine, sous l’empire perse Sassanides, jusqu’au VIIe siècle. À l’époque, les chrétiens étaient déjà soupçonnés d’être des traitres, affiliés à l’Occident. Puis il y a eu les invasions mongoles, par exemple. Mais il n’y a pas lieu de s’en étonner. Jésus lui-même, dans les Évangiles, avertit les disciples qu’ils seront persécutés à cause de son nom. L’Évangile correspond aux aspirations profondes de l’homme, mais son annonce s’accompagne de persécutions, et cela depuis la Pentecôte jusqu’à la fin du pèlerinage de l’Église sur Terre. Une Église sans martyr serait comme un arbre sans fruit !

Mais ne craignez vous pas la disparition  des chrétiens d’Iran ?

L’émigration massive des chrétiens, en particulier de la jeunesse et des forces vives, nous cause des inquiétudes. Pourtant, il ne faudrait pas regarder la situation avec un regard trop humain. La force et le dynamisme d’une communauté chrétienne ne dépendent pas de son nombre. Je crois d’ailleurs que notre situation est moins grave que celle des communautés chrétiennes en Occident. Elles baignent dans un milieu ou la majorité des Européens ne croient pas ou sont indifférents, alors que nos voisins musulmans nous rappellent sans cesse à Dieu.

La seule question qui compte est de savoir si nous pouvons témoigner de la foi. Or, cela nous le pouvons. Sans faire de la publicité, mais simplement en vivant en chrétiens. Nous en voyons les fruits, car des musulmans viennent nous voir, et veulent découvrir le message de l’Évangile. Quand on leur demande ce qui leur a donné ce désir, ils répondent souvent que c’est parce qu’ils ont connu un voisin chrétien dont il voulait suivre l’exemple.

 Constatez-vous des conversions au christianisme en Iran ?

C’est pour nous une question extrêmement délicate. Il faut déjà préciser que la plupart de ces conversions sont le fait des protestants évangéliques. Quant à nous, nous sommes sous étroite surveillance. Il arrive que d’anciens musulmans nous rejoignent, mais ils s’exposent à de graves ennuis, d’abord avec leurs familles, puis avec le régime. À titre d’exemple, nous avons deux séminaristes qui ont fait des passages en prison, parce qu’ils sont tous les deux des convertis, justement.

Il nous est interdit, en particulier, de dire la messe en persan. Nous aimons notre langue araméenne, la langue de Jésus lui-même, nous la parlons dans nos foyers, mais les Iraniens ne la comprennent pas. En restant cantonnés à cette langue, nous ne pouvons pas communiquer notre foi. Pour la même raison, nous ne sommes pas autorisés à avoir de Bible ou de livres saints en persan.

Alors pour quelles raisons des ayatollahs chiites iraniens ont-ils traduit le catéchisme de l’Eglise catholique ?

Oui, ce fut un signe très encourageant d’ouverture, donné par des ayatollahs qui s’intéressaient au message de l’Église catholique. Cette histoire illustre les interrogations des religieux iraniens. Le clergé chiite manifeste du respect pour l’autorité morale internationale du Vatican. Il y a d’ailleurs un ambassadeur iranien au Vatican, et des étudiants font le voyage dans les deux sens. L’Iran est très isolé, il vit sous la pression permanente de l’Arabie Saoudite et des États-Unis. Notre pays voit bien qu’il a intérêt à entretenir des rapports avec l’Occident.

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