En ces périodes de confinement, Pierre Klein met un voyage insolite à portée de canapé avec son livre La Pérégrination vers l’Occident (éditions Olizane). Il s’agit de l’histoire vraie d’un moine nestorien qui ne rêvait qu’à la sédentarité de sa cellule d’ermite, au bout du monde, près de l’Océan Pacifique, et qui fut amené jusqu’à l’Océan Atlantique.

Contemporains de Marco Polo, deux moines ouïghours sont partis d’Est en Ouest. Le récit de leur voyage gagnerait à être aussi connu que le Livre des merveilles de l’illustre explorateur italien qui fit tant fantasmer l’Occident. L’un des deux moines, Mar Çauma, est parvenu jusqu’aux cours des rois de France et d’Angleterre, dans la lointaine Aquitaine, pour négocier une alliance entre les Mongols et les rois « francs ». Mais le destin de l’autre est peut-être plus extraordinaire encore. Simple prêtre, pèlerin en route vers Jérusalem, il a été bombardé « catholicos », le plus haut poste de l’Église d’Orient. Une Église qui atteignait alors son apogée, répandant l’Évangile de la Syrie jusqu’à la Côte pacifique ! Le récit de leur voyage, romancé, se lit facilement, l’auteur prenant soin de décrire avec pédagogie le contexte mouvementé du XIIIe siècle asiatique, dominé par les héritiers de Gengis Khan.

Le XIIIe siècle vu d’Orient

En changeant complètement de perspective, comme on retourne une carte, ce livre éclaire d’un jour inhabituel le XIIIe siècle de saint Louis, de saint Thomas d’Aquin et de Philippe le Bel. On découvre les hordes de Mongols certes sanguinaires, mais qui faisaient régner un ordre dans lequel l’Église dite « nestorienne » a pu prospérer. Ils combattaient les Mamelouks musulmans et dans cette guerre, ils cherchaient une alliance avec les Francs, qui maintenaient à l’époque une présence fragile en Terre Sainte. Cette entente ne s’est jamais concrétisée.

Quant à ces lointains chrétiens orientaux, après la brève période de sécurité de la fin du XIIIe siècle, ils ont connu une suite sans fin d’humiliations et de persécutions, à mesure que les Mongols se convertissaient à l’islam. « L’islam avait un avantage décisif sur le christianisme pour les Mongols, car il autorisait la polygamie », rappelle Pierre Klein. L’auteur, qui se passionne pour l’Église d’Orient et ses héritiers assyro-chaldéens, n’exclut pas la disparition pure et simple de ces représentants d’une histoire presque deux fois millénaire. « Allez en Iran demander si vous pourriez voir des restes d’un temple bouddhiste et on vous prendra pour un fou ! Les Iraniens ont oublié jusqu’au souvenir de la présence de bouddhistes dans leur pays. Malheureusement, rien n’interdit de penser qu’il n’en sera pas de même pour les chrétiens plus tard », regrette-t-il.

Deux moines en éclaireur

En hommage à leur culture menacée, il a voulu donner un aperçu de la spiritualité riche, parfois confuse de l’Orient chrétien. Dans ce voyage spirituel, les deux moines servent d’éclaireurs. En vrais orientaux, ils ne cherchent pas à rationnaliser, mais ils récoltent les mythes, les histoires, les manifestations de piété, comme autant de trésors. Ils priaient devant toutes les reliques – même celles que l’on jugerait aujourd’hui douteuses – que l’on offrait à leur dévotion le long de leurs interminables pérégrinations.

« À partir des Lumières, il a été de bon ton de sourire de la piété populaire et en particulier des reliques », rappelle Pierre Klein. « La logique scientifique, d’inspiration grecque, s’est révélée d’une efficacité inouïe, mais à vouloir lutter contre les superstitions, ce qui est louable, elle a tout emporté, y compris le sens du sacré. » Un sens du sacré qu’il estime indispensable et qui ressurgit dans le retour en grâce des piétés populaires, en particulier la dévotion envers les reliques.

Mar Çauma, qui débarqua dans l’Occident helléno-chrétien sans rien en connaître, apporte sur ces questionnements un regard rafraîchissant. Sa quête spirituelle, qui guida toute sa vie, donne à voir une chrétienté différente, quant à la forme, de celle que nous connaissons en Occident. Elle n’en est pas moins guidée par les mêmes Évangiles et le même Rédempteur.

 

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