En 2018, le Nicaragua a été le théâtre d’affrontements intenses et violents entre le gouvernement et des groupes d’opposition pendant environ trois mois, du 18 avril à mi-juillet, faisant des centaines de blessés et, selon les sources, de 150 à 500 morts. L’Église a joué un rôle décisif pour éviter qu’il y ait encore plus de victimes à déplorer. Entretien avec Marco Mencaglia, responsable du département de l’Amérique latine au sein de l’AED, de retour du Nicaragua.

Comment se présente la situation actuelle au Nicaragua ?

Le pays continue de vivre dans un climat d’extrême tension même si, officiellement, il n’y a pas eu de nouveaux graves affrontements depuis juillet 2018. Des centaines de jeunes gens sont toujours incarcérés pour des raisons politiques et des formes plus discrètes de discrimination continuent d’affecter la vie du pays.

Quel a été le rôle de l’Église catholique durant cette période ?

Après les premières manifestations, le gouvernement a demandé la médiation de l’Église mais, au bout de huit séances, le dialogue a été interrompu, à l’initiative des autorités. Des cercles gouvernementaux ont ensuite lancé une violente campagne pour discréditer l’Église catholique. Des accusations très fortes ont été formulées contre la hiérarchie ecclésiale, et les catholiques ont été qualifiés de « putschistes »  et de « terroristes ». Simultanément, des mesures ont été prises pour surveiller les paroles et les actes des prêtres. Les homélies dominicales, par exemple, sont soigneusement écoutées et transmises au gouvernement par des intermédiaires.

Qu’est-ce qui vous a le plus impressionné lors de votre voyage ?

Le courage de l’Église pour éviter qu’il y ait encore plus de violence pendant les mois du conflit. Dans de nombreuses régions du pays, les organisateurs des protestations avaient installé des barrages sur les routes principales paralysant ainsi la vie du pays pendant des semaines. Des prêtres, les mains levées, se sont tenus entre les forces armées gouvernementales – qui voulaient lever avec violence les blocages routiers – et les manifestants. En risquant leur vie, ces prêtres majoritairement assez jeunes, ont sauvé de la mort de nombreux jeunes gens. Ils ont évité une issue violente du conflit. En outre, de nombreuses églises ont accueilli des centaines de blessés et installé des infirmeries dans les nefs.

Selon des enquêtes indépendantes, malgré la campagne de disqualification du gouvernement, la crédibilité de l’institution ecclésiastique reste très forte. Le nombre des vocations sacerdotales s’accroît dans presque tout le pays. Chaque année de nouvelles paroisses sont fondées dans différents diocèses. D’autres multiplient les centres de formation pour les laïcs.

Quel est l’issue à cette crise ?

L’Église du Nicaragua répète constamment que la seule issue consiste dans le dialogue ainsi que dans le soutien d’un processus permettant de garantir le respect des règles fondamentales d’une démocratie – en l’occurrence, des élections libres et équitables  – et de canaliser l’énergie des jeunes gens pour le bien du pays. Il faut éviter de nouveaux conflits et favoriser l’implication de tous les acteurs sociaux importants. J’oserais même dire que sans la collaboration de l’Église, il n’y a aucune issue pacifique à la crise actuelle. L’Église continue de jouer un rôle fondamental et unique à l’échelle spirituelle et sociale au Nicaragua, sur ce chemin difficile de guérison des profondes blessures datant du conflit qui a sévi d’avril à juillet.

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