Une église protestante incendiée le 15 juin confirme les craintes de la petite minorité de chrétiens au Niger. Dans ce pays à plus de 95% musulman, ils ont le sentiment de ne plus être bienvenue et craignent l’influence des groupes djihadistes qui y sévissent. 

Dans la nuit de samedi à dimanche, l’église protestante de Zaria, à Maradi, a été incendiée par une foule en colère. Les manifestants protestaient contre l’arrestation de l’imam Cheick Rayadoune. Ce dernier avait été arrêté par les autorités nigériennes car il s’opposait dans ses prêches à une loi en discussion sur l’exercice du culte religieux au Niger. Il qualifiait la loi « d’anti-islam ». Malgré les manifestations, elle a été adoptée par les députés nigériens lundi 17 juin.

L’argent des monarchies du Golfe

Sœur Marie Catherine Kingbo réside avec sa communauté, la Fraternité des Servantes du Christ, à Tibiri, à 8km de Maradi. Elle assure : « Nous nous attendions à des attaques, mais nous ne pensions pas qu’un projet de loi gouvernemental suffirait à les déclencher ». La Sœur sénégalaise ne reconnaît plus le Niger. Lors de son arrivée il y a quinze ans, les tensions interreligieuses étaient quasi inexistantes, assure-t-elle. À présent c’est le sujet de préoccupation numéro un. « J’entend des musulmans qui me disent qu’il y a trop de mosquées et d’écoles coraniques, pas assez de puits et de dispensaires », rapporte Sœur Kingbo. Comme dans d’autres pays du Sahel, l’argent des monarchies du Golfe fait progressivement disparaître les traditions d’ententes entre les communautés religieuses. « Le mal qui a été déclenché en Lybie, en Syrie, fait tâche d’huile jusque chez nous » déplore-t-elle.

« Contre leurs fusils, nous avons Jésus »

Mais il n’y pas que la mal qui peut se répandre, croit la sœur. Elle constate la valeur des actions qu’elle entreprend avec sa communauté. L’aide aux femmes, en particulier, mais aussi des sessions qui réunissent chaque année chrétiens et musulmans. En 2006, la première session rassemblait 28 personnes ; en 2018 c’était 350. Les rapports avec les imams locaux et les voisins sont bons et la sœur ne se voit pas abandonner son travail pour une fraction extrémiste de la population : « Nous ne partirons pas. Ils peuvent bien avoir des fusils, nous, nous avons Jésus ! »

Sa communauté et les lycéennes qu’elle scolarise sont toutefois sous protection policière en permanence. Le gouvernement ne veut pas vivre un événement similaire à l’enlèvement des 274 lycéennes de Chibok (Nigeria) par Boko Haram en avril 2014.

L’habit de sœur comme symbole de paix

Marcela Szymanski, spécialiste des questions de Liberté religieuse pour l’AED, n’est pas tranquille pour les sœurs qui demeurent au Niger : « Elles sont une cible privilégiée ! Les groupes djihadistes qui rêvent d’exacerber les tensions savent qu’elles représentent un symbole. Ces sœurs qui vivent dans un pays largement musulman font la démonstration qu’au Niger, les communautés peuvent coexister. » Or, ce symbole de coexistence, les plus acharnés pourraient être tenté de l’abattre.

Les groupes djihadistes qui traversent plusieurs frontières profitent de la défaillance des États pour établir leur loi. Ils ne sont pas loin de réaliser de petits « califats » et s’adonnent aux pires trafics, en particulier l’esclavage. « J’ai été profondément choquée de découvrir que le trafic d’être humain continue à être employé à grande échelle dans cette région du monde », dénonce Marcela Szymanski. Ce trafic est le troisième plus rentable au monde, selon l’Organisation mondiale du travail après ceux de la drogue et des armes. Le plus souvent, il concerne des migrants qui sont capturés dans leur route vers l’Europe. Beaucoup sont employés dans des réseaux de prostitution, d’autres vont travailler sur des chantiers illégaux. Dans certains cas, les esclaves sont marqués au fer rouge, comme l’a révélé un article du Time (14 mars 2019). Ces pratiques que l’on croyait reléguées aux siècles antérieurs participent à la redoutable influence des groupes djihadistes. Ils n’ont aucun mal à s’armer, ni à trouver des recrues parmi la population du Niger, souffrant d’un taux de chômage massif et d’une absence totale de perspective.

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