Au Pakistan, on dénombre 224 chrétiens ayant été victimes de la loi contre le « blasphème » depuis son adoption en 1986. C’est ce qu’a affirmé Cecil Shane Chaudhry, directeur exécutif de la Commission nationale Justice et Paix du Pakistan, à une délégation de l’AED en visite dans ce pays.


Alors que le procès d’Asia Bibi, une mère chrétienne accusée de « blasphème », s’est terminé le 29 janvier avec sa libération, selon une étude de la commission présenté à l’AED, il y aurait actuellement 25 cas de chrétiens qui souffrent encore en prison. Certains d’entre eux sont condamnés à mort, comme l’a été Asia Bibi. À l’heure actuelle, aucun n’a été exécuté par l’État pakistanais. En revanche, 23 chrétiens ont été lynchés par des foules en colère pour « blasphème » entre 1990 et 2017.

Les deux paragraphes B et C de l’article 295 du Code pénal pakistanais constituent la « loi contre le blasphème ». Introduite par les Britanniques, lorsque l’empire britannique des Indes s’étendait à l’actuel Pakistan (1858-1947), cette législation controversée punit le blasphème de la peine de mort depuis 1986, sous la dictature du général Zia-ul-Haq (1977-1988). Le paragraphe 295B prévoit la peine d’emprisonnement à perpétuité pour ceux qui diffament le Coran ; en vertu de l’article 295C, la peine de mort sanctionne toute profanation du nom du prophète Mahomet.

Une loi employée à des fins de vengeance personnelle

« Pour les fondamentalistes, la loi contre le blasphème constitue une arme puissante pour exercer le pouvoir au préjudice des minorités et elle est souvent utilisée à des fins de vengeance personnelle », explique Cecil Chaudhry. « Lorsque c’est un chrétien qui est accusé, les conséquences concernent l’ensemble de la communauté. »

C’est exactement ce qui s’est passé en mars 2013 dans le quartier chrétien Joseph Colony à Lahore. Sawan Masih, un chrétien qui y réside, est accusé par deux témoins d’avoir « offensé le prophète Mohammed », au cours d’une dispute avec un autre homme. Lesdits témoins ont comparu deux jours après l’altercation. « Les accusations contre Sawan Masih sont instrumentalisées », affirme le père Yousaf, président de la Commission justice et paix, à l’AED. « En vérité, il s’agit d’évincer les chrétiens de ce quartier très prisé de la ville, apprécié parce qu’il est à proximité des aciéries. »

Entre-temps, Sobia, l’épouse de Sawan Masih, élève ses trois enfants toute seule. « Je ne sais pas pourquoi ils accusent mon mari », dit-elle à l’AED. « Tout ce que je sais, c’est que l’homme qui a porté plainte contre lui était de l’un de ses amis, avec qui il s’était disputé. Sawan est innocent ! » Il est enfermé en prison depuis 2013.

Sans attendre le procès la rumeur du « blasphème d’un chrétien » s’est répandue. « Après la prière du vendredi 9 mars, une foule en furie composée de 3 000 musulmans avait incendié et brûlé tout le quartier, détruisant presque 300 habitations et deux églises », se souvient le père Emmanuel Yousaf.

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