Alors que la situation des minorités religieuses a plutôt tendance à empirer, une loi visant à interdire les discours de haine, les attaques sectaires et les mariages forcés a été votée en février dernier. Le point par Marc Fromager, directeur de l’AED.

Condamnée à mort pour blasphème et emprisonnée depuis six ans, Asia Bibi a confié à son tuteur une prière dans laquelle elle en appelle au pape François. La loi anti-blasphème n’est pourtant pas la seule épée de Damoclès qui menace les minorités religieuses du Pakistan : le simple fait de se rendre à son lieu de culte constitue un danger, ce que semble confirmer la récente recrudescence d’attentats dans le pays.

Après une baisse du nombre d’attentats en 2016, une dizaine d’attaques terroristes ont endeuillé le pays simplement au cours des deux dernières semaines du mois de février, tuant plus de 130 personnes et faisant près de 400 blessés. L’attaque la plus meurtrière, le 16 février, a fait 92 morts et plus de 250 blessés dans le sanctuaire soufi Lal Shahbaz Qalandar.

Avec les chiites et les ahmadis, les soufis sont en effet considérés comme hérétiques par les sunnites radicaux, ce qui se traduit par une persécution croissante des minorités musulmanes. Aujourd’hui, toute une nébuleuse de groupes extrémistes a scellé des alliances avec l’État islamique qui semble s’ancrer au Pakistan.

« Si l’on est optimiste » confie l’universitaire Rifaat Hussain, « ces attentats sont le chant du cygne de mouvements à l’agonie. Mais si l’on est pessimiste, ils signent la résurgence de groupes que l’on croyait trop faibles. » Divisés sur leurs stratégies, ces groupes s’accordent sur un objectif commun: la lutte contre le pouvoir central.

Mais les chrétiens et les hindous demeurent les plus discriminés, relégués au bas de l’échelle sociale. « Cherche balayeur préférablement chrétien ou hindou », tel est en substance le contenu d’une offre d’emploi parue en mars dans un journal pakistanais. Considérés comme étant plus facilement exploitables, ils sont aussi proportionnellement plus visés par des accusations de blasphème ou par des expropriations abusives. Et les attentats ne manquent pas non plus.

« Nous sommes fiers d’avoir donné notre fils au Christ » ont confié les parents d’Akash Bashir à une délégation de l’AED récemment de passage à Lahore. Garde bénévole de la paroisse St Jean, il avait ceinturé un kamikaze taliban à l’entrée, sauvant ainsi les 1400 fidèles réunis dans l’église en mars 2015. « Il a sauvé tellement de vies, notre fierté l’emporte sur notre tristesse » ont-ils poursuivi. Le dernier grand attentat remonte à Pâques 2016 où les chrétiens avaient été visés dans un parc de Lahore à la sortie de la messe.

Une nouvelle loi

Votée par l’Assemblée nationale le 6 février 2017, la loi baptisée « Criminel Laws (Amendment) Act 2016 » punit le crime qui consiste « à user de manière délibérée de mots visant à heurter les sentiments religieux d’une personne » mais également les attaques sectaires et les mariages forcés de jeunes filles issues de minorités religieuses (en moyenne un millier de cas rapportés chaque année, 700 chrétiennes et 300 hindoues). Restera à connaître la portée et l’efficacité réelle que pourra avoir un tel texte, pour autant qu’il entre en application, dans un contexte de violences au quotidien qui vont crescendo.

Pour certains responsables chrétiens, la nouvelle loi constitue un changement positif. C’est l’avis de Samuel Praya, président d’une association chrétienne de Lahore, pour qui « ces mesures sont cruciales pour sauver notre pays ».

Pour d’autres, même s’ils reconnaissent que les peines déjà existantes ont été durcies, cette nouvelle loi n’apportera pas de réels changements. « Il existe déjà tout un arsenal juridique pour lutter contre les violences » constate Wilson Chowdhry, président de la British Pakistani Christian Association, « mais le problème est que ces lois sont rarement mises en œuvre, et lorsqu’elles le sont, les témoins sont intimidés et ne se présentent pas devant les juges ».

Article paru dans l’Église dans le Monde n°185.

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