Le père Teresito Soganub a été détenu en otage par des islamistes dans la ville de Marawi, aux Philippines, il y a deux ans, jour pour jour. Malgré le traumatisme vécu, il affirme que cette expérience la conforté dans sa vocation et annonce : « C’est la foi qui fait l’Église, pas les circonstances ! »

Ce 23 mai 2017, les paroissiens s’étaient réunis pour prier dans la cathédrale de Marawi, Sainte Marie Auxiliatrice, la veille de la fête patronale. L’île de Mindanao, où se situe Marawi, a la particularité d’être à dominante musulmane, tandis que l’ensemble de l’archipel des Philippines est chrétien à plus de 90%. Depuis de nombreuses décennies, les musulmans de Mindanao luttent pour une large autonomie. Parmi eux, le groupe extrémiste Maute revendiquait son affiliation à Daesh et prétendaient parvenir à ses fins par la violence.

Malgré ce contexte tendu, la majorité des insulaires de Mindanao continuaient à vivre paisiblement, et les paroissiens furent surpris et effrayés d’entendre des coups de feu, venus troubler leur cérémonie. Le groupe Maute était en train de prendre possession de la ville. « Vers 18 heures, le poste de police et la prison étaient en flammes, mais les pompiers ne sont pas venus », se rappelle le père Teresito Soganub. Peu après, l’école toute proche également brûlait. Lorsque les portes de la cathédrale furent violemment ouvertes vers 19 heures, il a d’abord cru qu’il s’agissait de l’armée ou de la police venue les mettre en sécurité. Cependant, la voix qui les exhorta alors en anglais par mégaphone à coopérer s’ils voulaient rester sains et saufs, était celle d’un membre d’un groupe d’hommes équipés d’armes de gros calibre. Certains d’entre eux portaient un uniforme, d’autres des vêtements civils. Ils n’étaient pas masqués, mais armés jusqu’aux dents. Le prêtre et les autres otages passèrent les heures suivantes dans une camionnette, en route d’un repaire à l’autre, toujours pour échapper aux contre-attaques de l’armée philippine. Le père Soganub décrit ce qui s’est passé durant ces heures traumatisantes : « On nous a demandé de contacter le gouvernement et d’exiger de lui de cesser les combats contre les rebelles. J’ai donc téléphoné à tout le monde, à l’évêque Mgr Edwin de la Peuz et aussi à mon prédécesseur au vicariat général, afin qu’ils transmettent au président Duterte le message de nos ravisseurs : ‘Ordonnez le repli des troupes gouvernementales de la ville. Sinon, ils nous tueront tous, l’un après l’autre’. »

Otages de Daesh aux Philippines

Le gouvernement se montra inflexible. Mais le père Soganub resta en vie malgré tout. Dans les jours qui suivirent son enlèvement, les rebelles changèrent presque chaque jour de repère. Et dans chaque nouvelle maison, de plus en plus de nouveaux otages vinrent rejoindre le groupe. Ce n’est qu’en juin que le groupe Maute s’établit à proximité d’une mosquée. Entre-temps, le groupe des otages comptait plus de 120 personnes, dont des femmes et des enfants. La plupart des personnes kidnappées étaient de jeunes hommes qui, au cours des semaines suivantes, ont été contraints de soutenir les rebelles dans leur lutte contre l’armée. Les otages vivaient dans l’attente permanente de la mort, que ce soit par les armes du groupe ou à cause des déluges de bombes des troupes gouvernementales.

Le père Soganub se souvient qu’après de longues semaines de combat, la veille de leur libération, les ravisseurs se retrouvaient nettement en situation d’infériorité face aux troupes gouvernementales. « Le soir, nous avons ressenti un énorme épuisement, et des lumières nous ont permis de voir que nous étions encerclés. Alors, j’ai dit à Dieu et à moi-même que je devais maintenant jouer mon va-tout. Que Dieu soit avec moi ». Il s’ensuivit un petit miracle : 14 minutes durant, on n’entendit aucun coup de feu. Le prêtre et un autre otage parvinrent à s’échapper le 17 septembre 2017.

« Je vivais dans la certitude de mourir »

Malgré les expériences traumatisantes de la captivité, le père Teresito respire la paix et l’espérance. « Personne n’a envie de vivre une telle expérience », dit-il et ajoute « En fait, tous ces mois durant, je vivais constamment dans la certitude de mourir ». Mais ces 116 jours de captivité furent également autant de jours de prière continue. « J’ai vécu mes propres lamentations. J’ai crié : Pourquoi moi, Seigneur ? Pourquoi as-Tu permis que survienne cette situation ? » Il y avait certes beaucoup de lamentations, mais aussi d’actions de grâce. « J’attendais ma mort et je n’arrivais pas à comprendre comment je pouvais survivre à ces incessantes fusillades. » Le prêtre affirme ne pas être fort, mais avoir appris qu’il pouvait être fort avec Dieu. Dans la foi. « D’entendre le cri de mon cœur et de continuer à dire : Je le sais, Tu es ici ! Cela m’a enseigné l’humilité et un profond respect. Même dans une telle situation. » Ce fut l’occasion de réapprendre à prier, assure le plus ancien prêtre en fonction de Marawi.

Une leçon non seulement pour lui et les autres otages, mais aussi pour toute l’Église philippine. « Dans toutes les intentions de prières, pendant la messe, toute l’Église philippine a prié pour nous. Des groupes évangéliques et même des musulmans se sont également adressés à ma famille et ont dit : Nous sommes protestants, nous sommes musulmans, mais nous prions pour la sécurité de votre frère. » Ce soutien spirituel touche profondément le père Soganub. Déjà avant sa captivité, sa mission comportait notamment le dialogue interreligieux dans la prélature. « Dieu s’est servi de moi pour guider d’autres personnes dans la prière. C’est la foi qui fait l’Église, pas les circonstances ! »

C’est une phrase dont l’écho résonne longuement, en particulier lorsqu’on se rend compte que les destructions dans la cathédrale de Marawi furent si importantes que l’édifice n’a pas pu être sauvé. Au milieu des décombres du lieu où il exerçait son ministère, le père Soganub reste ferme dans ses convictions : « Nous devons continuer côte à côte sur le chemin du dialogue interreligieux, comme musulmans et comme chrétiens. C’est ainsi que nous pourrons planter en nous la semence de la paix et travailler ensemble pour la paix, en tant que religions de paix.»

 

Au cours des cinq mois suivants le 23 mai, plus de 800 personnes ont trouvé la mort et des centaines de milliers de personnes ont quitté Marawi. Seulement 116 jours plus tard, le 17 septembre, le père Soganub a pu être sauvé, mais les combats acharnés pour le contrôle de la ville ne se sont achevés que le 23 octobre 2017.

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