Malgré le retour des familles chrétiennes en Syrie, la population d’Alep fait face à de nombreux défis. Économie stagnante, quartiers détruits, vivres hors de prix, service militaire obligatoire… Pourtant, une délégation de l’AED a constaté sur place que grâce aux aides internationales, les chrétiens sentent qu’ils ne sont pas une minorité oubliée.

Cela fait six mois que les bombardements ont cessé dans la plus grande ville du pays, ce centre industriel qui comptait autrefois plus de 2 millions d’habitants. « Il n’y a plus de bombes, nous sommes en sécurité », déclare Mgr Antoine Audo, évêque catholique chaldéen d’Alep, à une délégation de l’AED visitant la ville. « Malheureusement, la situation ne va pas beaucoup changer. La guerre va continuer. Il semble que la Syrie restera divisée, comme cela s’est produit pour l’Irak. »

Lorsque l’on arrive à Alep par le sud, on aperçoit une zone totalement détruite. Presque aucun bâtiment n’a été épargné par les bombes, montrant les cicatrices de combats qui ont duré près de quatre ans et demi. L’atmosphère désertique n’est interrompue que par les soldats placés sous le contrôle de l’armée. « Nous voulons tous que la guerre se termine. Quand et comment, c’est tout le problème » assure Mgr George Abou Khazen, vicaire apostolique latin de Syrie, qui affirme que les relations entre les différents rites chrétiens et même avec les musulmans ont toujours été bonnes. « Le pays se compose de dix-huit groupes ethniques et religieux, qui ont toujours bien vécu ensemble. »

Sans aide, il serait impossible de vivre ici

La dévaluation de la monnaie et le manque de travail rendent les familles entièrement dépendantes d’une aide extérieure. « S’il n’y avait pas l’Église, les ONG et autres institutions caritatives, il serait impossible de vivre ici », confie Sami Halak, jésuite, responsable du Service jésuite des réfugiés d’Alep. Chaque jour, cette institution distribue 9 000 repas chauds et soutient différents programmes pour la formation des jeunes. Elle a reçu l’appui d’organisations comme l’AED.

 « Beaucoup de familles, d’environ quatre personnes en moyenne, ont besoin de 80 000 à 200 000 livres syriennes par mois pour pouvoir vivre modestement. Or, le salaire moyen est actuellement de 30 000 livres syriennes, pour celui qui parvient à avoir un salaire, car le chômage est très élevé », reconnaît Sami Halak. Le prix élevé des marchandises de première nécessité et des loyers ainsi que la dévaluation de la monnaie rendent la vie très compliquée à Alep. Avant la guerre, un dollar représentait 50 livres syriennes. Un dollar vaut désormais 550 livres syriennes.

« On ne sait pas ce que sera l’avenir. »

Selon Mgr Audo, « l’aide offerte par l’Église catholique augmente constamment. Maintenant, avec la libération d’Alep, il y a beaucoup à faire ». Toutes les paroisses enregistrent peu à peu le retour de nouvelles familles. Quinze familles de la communauté catholique de rite latin sont revenues, dont deux d’Italie et d’Allemagne. « Nous ne connaissons pas encore le nombre exact des familles chaldéennes de retour. Cependant, si des familles arrivent, d’autres partent voyant la situation instable et l’avenir incertain », affirme Mgr Audo.

La communauté chrétienne d’Alep est l’une des plus touchées par les conséquences de la guerre. Des 150 000 chrétiens qui se trouvaient dans la ville en 2011, il n’en reste que 35 000 aujourd’hui. Mais certains sont restés, comme le Dr Nabil Antaki, gastro-entérologue, qui vient en aide aux blessés de guerre et coordonne le projet « goutte de lait », soutenu par l’AED, pour fournir du lait à 3 000 enfants chaque mois. Un de ses frères a été tué par les rebelles alors qu’il se rendait d’Alep à Homs en voiture. Ses enfants vivent aux États-Unis, mais sa femme et lui leur ont dit : « Nous allons rester ici parce que nous voulons aider ceux qui en ont besoin. Notre mission est ici. » Il assure que la guerre se terminera quand les pays étrangers cesseront de financer les groupes armés : « Ce n’est pas une guerre pour la démocratie, ça ressemble plutôt à une guerre pour détruire la Syrie. »

« Notre mission est ici »

Autre problème, la fuite des jeunes générations. Tous les hommes jeunes de 18 à 42 ans sont recrutés de force par l’armée gouvernementale. Il n’y a que deux exceptions : être universitaire ou fils unique. C’est pourquoi il est difficile de voir des jeunes et des hommes d’âge moyen dans les rues d’Alep. On aperçoit beaucoup de femmes seules ou avec des enfants dans les bras. Beaucoup sont veuves, d’autres ont désormais charge de famille tandis que leurs maris sont à l’armée ou ont fui le pays.

Bahe Salibi (le nom a été modifié) est étudiant en médecine à Alep. Il vient de Hasaka, au nord-est du pays. Il est venu ici parce qu’il voulait aider les malades et les blessés. Sa famille s’y est d’abord opposée. « J’ai peur, parce que cette année, je n’ai pas obtenu le document qui m’exempte du service militaire. Je sors à peine dans la rue, de peur d’être identifié », reconnaît-il. D’autres parmi ses camarades sont dans la même situation et préfèrent ne pas y penser.

Mgr Abou Khazen remercie les bienfaiteurs de l’AED : « Vous nous donnez la possibilité de rester. Vous nous faites sentir que nous ne sommes pas seuls, que nous ne sommes pas une minorité oubliée. Nous faisons partie d’une grande famille qui est l’Église ». Le prélat a pu saluer le pape François à trois reprises. À chaque fois, il lui a dit : « Je porte la Syrie dans mon cœur. »

L’AED a donné plus de 18 millions d’euros pour différents projets en Syrie depuis le début du conflit en 2011.

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