Le Venezuela était le pays le plus prospère d’Amérique latine, grâce à ses exportations de pétrole. Il souffre aujourd’hui d’une hyperinflation atteignant 1 000 000 %.  Mgr Manuel Felipe Díaz Sánchez, 63 ans, archevêque de Calabozo, décrit à l’AED la situation sur place.

AED : Comment cette crise se répercute-t-elle concrètement sur la population ?

Mgr Manuel Felipe Díaz Sánchez : Je vais vous donner un exemple tiré du quotidien. Quelqu’un entre dans un magasin et demande combien coûte une certaine denrée alimentaire. Il va chercher de l’argent pour payer et revient au bout d’une heure : entre-temps, le prix a augmenté. Tout manque partout. Beaucoup de gens ne se nourrissent plus que de riz et de haricots. Les hôpitaux vivent des situations dramatiques, ils sont à cours de médicaments. Les patients sont parfois obligés de se les procurer eux-mêmes et de vendre leurs derniers objets de valeur afin de les payer. Pour beaucoup de nos compatriotes, l’émigration représente la seule solution.

La situation à la frontière avec la Colombie ne cesse de s’aggraver. Le poste frontalier a même dû fermer pendant un certain temps. Beaucoup de gens y restent coincés, parce qu’ils n’ont pas suffisamment d’argent pour payer les papiers nécessaires pour sortir du pays. Que savez-vous de la situation là-bas ?

Seule l’Église soutient ces malheureux. Aussi bien au Venezuela que là où émigrent nos compatriotes, en Colombie, en Équateur, au Pérou et au Chili. Les communautés de part et d’autre des frontières ravitaillent les gens, offrent des hébergements pour la nuit ou des aides médicales. Elles partagent le peu qu’elles possèdent. Nous sommes très reconnaissants de cette solidarité.

Le Venezuela se présente comme un en État moderne socialiste. En résulte-t-il également des difficultés pour l’Église ?

Le système politique du Venezuela ressemble à un patchwork multicolore composé de différentes influences : l’influence socialiste, conservatrice, imbibée de conceptions athéistes et spiritistes, et beaucoup d’autres encore. Sans cesse, il y a eu des tentatives pour diviser l’Église vénézuélienne. Mais elles ont échoué. Hugo Chávez et l’actuel président Nicolás Maduro ont reconnu tous les traités signés par les gouvernements précédents avec l’Église catholique. Cela concerne en particulier les écoles catholiques. 10% des établissements scolaires du Venezuela sont gérés par l’Église. Par ailleurs, beaucoup de personnalités politiques affichent ostensiblement une grande religiosité. En même temps, les représentants de l’État ne participent plus aux consécrations des évêques. C’est une relation ambivalente.

Qu’en est-il de la vie cléricale ?

75 % des Vénézuéliens sont catholiques et demeurent fidèles à la foi. J’entends très souvent dire que l’Église du Venezuela est l’institution la plus crédible. Mais la misère économique influence la vie cléricale. Pour des raisons économiques, il n’est plus possible d’organiser de grandes manifestations religieuses, comme une Journée de la jeunesse ou une Rencontre des familles. Et là où il n’y a pas de rencontre, il n’y a pas de communauté.

La situation des prêtres nous inquiète aussi. Beaucoup sont isolés parce qu’ils doivent s’occuper seuls d’une très grande paroisse, dans une région rurale. Il ne leur est plus possible de se rendre aux réunions ou d’acheter les produits de première nécessité. Il y a déjà eu des cas où des religieux ont été obligés de quitter le pays parce qu’il leur était devenu financièrement impossible de maintenir leur monastère et leur œuvre.

L’Église du Venezuela peut-elle faire quelque chose pour remédier à la détresse de la population ?

Nous ne relâchons pas notre engagement dans le domaine de l’éducation. Nous voulons donner aux jeunes la chance de construire un avenir meilleur. Dans certaines paroisses, les prêtres distribuent des médicaments qu’ils reçoivent de l’étranger.

Et il y a une autre action qui fonctionne bien et que l’on nomme « les marmites solidaires ». Avec des dons sous forme de nourriture, des volontaires font la cuisine dans les paroisses pour nourrir les nécessiteux. Ceux-ci leur en sont d’autant plus reconnaissants qu’ils savent que les moyens de l’Église sont très limités.

Que pourrait faire concrètement l’Église universelle pour aider le Venezuela ?

Nous ne pourrions survivre sans la solidarité de l’Église ! Je n’ai pas l’habitude de mendier, mais les gens ont besoin d’aide pour acheter de la nourriture et des médicaments. Nous avons aussi besoin d’aide pastorale. Les prêtres et les fidèles doivent se rencontrer et se fortifier. J’ai déjà évoqué les rencontres diocésaines ; elles sont très importantes. Des bibles et du matériel de catéchèse sont également nécessaires. Un autre point très important réside dans l’approvisionnement des prêtres. Pour beaucoup d’entre eux, les intentions de messe sont la seule source de revenus disponibles pour survivre.

 

 

 

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