Fin mai, des représentants du gouvernement de Nicolás Maduro et des représentants de l’opposition se sont rencontrés à Oslo, fin mai, en Norvège. Le père José Virtuoso, recteur de l’Université catholique Andrés Bello à Caracas, au Venezuela, a accepté de répondre aux questions de l’AED.

Êtes-vous optimiste quant aux pourparlers d’Oslo ?

Oui. Nous savions que des rencontres informelles s’étaient déjà déroulées entre l’opposition et le gouvernement de Nicolás Maduro. Cette fois-ci, les contacts à Oslo impliquent l’engagement « officiel » d’un gouvernement, en l’occurrence celui de la Norvège. Par ailleurs, le gouvernement du président Nicolás Maduro et celui du président Juan Guaidó sont ouverts pour chercher des possibilités d’entente. Il ne faut exclure aucune issue permettant de sortir de la crise vénézuélienne.

Est-ce que ces tentatives de rapprochement sont en lien avec l’action de Juan Guaidó qui, le 30 avril dernier, a appelé l’armée à le soutenir ?

Je pense que depuis le 30 avril, nous sommes clairement coincés dans une impasse : ni le gouvernement Maduro qui souhaite écraser ses ennemis, ni le président par intérim Guaidó qui veut mettre un terme à l’usurpation du pouvoir, n’ont avancé. Nous devons chercher d’autres issues.

Quelle est l’attitude adoptée par l’Église ? Il y a presque deux ans, il y a eu des tentatives de dialogue auxquelles l’Église a participé, puis l’Église s’est retirée parce qu’elle se sentait instrumentalisée…

Les tentatives précédentes, que ce soit les entretiens auxquels le Vatican a participé au début ou plus tard le processus entre le gouvernement et l’opposition à Saint-Domingue, ont échoué. Je pense que ces rencontres n’étaient pas bien préparées. Considérons l’exemple de la Colombie : là, les entretiens et les accords entre le gouvernement colombien et les FARC reposaient sur un processus très long. Il n’a été entamé qu’au moment où il existait déjà une véritable volonté de négociation. Au Venezuela, cette volonté n’existe pas encore. Il ne faut pas aller trop vite, parce que le processus pourrait alors être abandonné. Je pense que c’est ce qui s’est passé lors des tentatives précédentes.

Au regard de ces tentatives antérieures, croyez-vous que ce sera différent cette fois parce que Nicolás Maduro a compris que ça ne pouvait pas continuer ainsi ?

Je pense que non seulement l’opposition, mais tous les Vénézuéliens ont des doutes considérables et surveillent avec défiance les avancées de ces processus. Le gouvernement reste déterminé à ne pas reconnaître l’opposition et la possibilité d’un accord. Pour cette raison, nous demeurons sceptiques. Mais comme il y a là une petite lueur d’espoir, nous devons l’entretenir afin qu’elle ne s’éteigne pas. Par ailleurs, l’ONU soutient ce processus, les pays du groupe de Lima le voient positivement ainsi que les pays de l’Union européenne. Je crois que la communauté internationale s’accorde pour dire qu’une solution sans violence est préférable à une solution violente. Et c’est évidemment la position de l’Eglise : faciliter, soutenir, créer les conditions d’une solution pacifique au conflit vénézuélien.

Évoquons la situation de la population. Les médias du monde entier ont parlé des coupures de courant. Qu’en est-il actuellement de l’approvisionnement énergétique ?

L’approvisionnement énergétique s’est normalisé dans les grandes villes, en particulier dans le centre du pays, comme à Caracas et dans d’autres villes importantes du centre. En revanche, dans les régions frontalières, la situation demeure dramatique. Dans l’État de Zulia, à la frontière de la Colombie, il est déplorable. C’est l’État le plus peuplé, comptant la deuxième plus grande ville du pays, mais l’alimentation électrique y reste aléatoire. La situation est similaire dans les deux États frontaliers de Táchira et de Mérida, à l’ouest du pays, où vit une très grande partie de la population.

Nicolás Maduro a maintenant permis à la Croix-Rouge d’entrer pour fournir de l’aide humanitaire. Est-ce que c’est une solution ?

En réalité, l’aide humanitaire est fortement réduite. Ainsi, certaines fournitures médicales et des groupes électrogènes ont été livrés à des hôpitaux, ce qui est une bonne chose. Mais, on a l’impression que beaucoup de pays aimeraient coopérer de manière plus active en envoyant à la population du matériel médical, des médicaments et des denrées alimentaires, mais qu’on ne leur en donne pas la possibilité.

En qualité de recteur de l’université, vous êtes particulièrement préoccupé par la question de l’éducation. Comment se présente la situation dans ce domaine ?

Je suis très inquiet. Les enfants et les jeunes ne peuvent pas assister régulièrement aux cours à cause des problèmes de transport ou d’alimentation. Tous nos établissements scolaires, nos lycées et universités souffrent de l’émigration des enseignants et des professeurs. Étudier au Venezuela devient un exploit.

Il y a presque deux ans que nous parlons de la situation au Venezuela. Le moment pourrait arriver où les gens diront : « Eh bien, on ne peut rien faire ! » Comment ne pas perdre courage ?

Le Venezuela a un besoin urgent de l’aide du monde entier. Après la Deuxième Guerre mondiale ainsi que dans les terribles années 1950, durant les années de la reconstruction, beaucoup d’Européens sont venus s’établir au Venezuela. Je suis moi-même fils d’un immigrant européen, d’un Italien venu de Sicile. Beaucoup de Vénézuéliens sont des enfants ou des petits-enfants d’immigrants qui ont beaucoup apporté au pays. L’Europe devrait rendre le soutien que le Venezuela lui a donné à d’autres époques.

 

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